L'homme tombé du ciel, le roman de 1963Feu vert livre / BD

The Man Who Fell To Earth (1963)
Traduction du titre : L'homme qui tomba sur (la planète) Terre.

Sorti aux USA en 1963 chez Gold Metal Books.
Sorti en France en 1973 chez Denoël (poche), traduction de Nicole Tisserand.

Adapté en film en 1976.
Rebooté en série télévisée woke en 2021.

De Walter Tevis.

(presse, extraterrestre) Thomas Jerome Newton est un extraterrestre humanoïde venu sur Terre pour chercher à construire un vaisseau spatial afin de transporter d'autres personnes depuis sa planète natale, Anthea, vers la Terre. Anthea connaît une terrible sécheresse à la suite de nombreuses guerres nucléaires, et la population est tombée à moins de 300 habitants. Leurs propres vaisseaux spatiaux sont inutilisables par manque de carburant et 500 ans de guerre. Les Anthéens n'ont plus d'eau, des réserves de nourriture qui diminuent lentement et une faible énergie solaire. Comme tous les Anthéens, Newton est doté d'une super intelligence, mais il a été sélectionné pour cette mission car il a la force physique nécessaire pour évoluer dans le climat plus chaud de la Terre et sa gravité plus élevée.

Arrivé sur Terre dans une capsule de sauvetage, Newton atterrit d'abord dans l'État du Kentucky. Il se familiarise rapidement avec l'environnement et élabore un plan. Utilisant la technologie de pointe de sa planète natale, Newton fait breveter de nombreuses inventions et accumule une richesse incroyable à la tête d'un conglomérat technologique. Il prévoit d'utiliser cette richesse pour construire des véhicules spatiaux pour le reste de la population anthéenne.

En chemin, il rencontre Betty Jo, qui tombe amoureuse de lui. Ils se côtoient, malgré le fait que les sentiments de Newton ne soit pas réciproques. On rencontre aussi l'étrange Nathan Bryce, qui dirige son entreprise dans l'ombre. Betty Jo présente à Newton de nombreuses coutumes de la Terre, telles que la religion, la mode et la boisson. Cependant, son appétit pour l'alcool entraîne rapidement des problèmes, car il commence à ressentir des émotions intenses, alors inconnues des Anthéens.

*

Le texte original de Walter Tevis (1963, Gold Medal).

1985: Icarus descending

Chapter One


AFTER TWO MILES of walking he came to a town. At the town’s edge was a sign that read HANEYVILLE : POP. 1400. That was good, a good size. It was still early in the morning — he had chosen morning for the two-mile walk, because it was cooler then — and there was no one yet in the streets. He walked for several blocks in the weak light, confused at the strangeness — tense and somewhat frightened. He tried not to think of what he was going to do. He had thought about it enough already.

In the small business district he found what he wanted, a tiny store called The Jewel Box. On the street corner nearby was a green wooden bench, and he went to it and seated himself, his body aching from the labour of the long walk.

It was a few minutes later he saw a human being.

It was a woman, a tired-looking woman in a shapeless blue dress, shuffling towards him up the street. He quickly averted his eyes, dumbfounded. She did not look right. He had expected them to be about his size, but this one was more than a head shorter than he. Her complexion was ruddier than he had expected, and darker. And the look, the feel, was strange — even though he had known that seeing them would not be the same as watching them on television.

Eventually there were more people on the street, and they were all, roughly, like the first one. He heard a man remark, in passing, “… like I say, they don’t make cars like that one no more,’ and, although the enunciation was odd, less crisp than he had expected, he could understand the man easily.

*

La traduction au plus proche.

1985 : La descente d'Icare

Chapitre 1


APRÈS TROIS KILOMÈTRES de marche, il arriva à une ville. A l’entrée de la ville se trouvait un panneau indiquant HANEYVILLE : POP. 1400. C'était bien, une bonne taille. Il était encore tôt le matin — il avait choisi le matin pour sa marche de trois kilomètres, parce qu'il faisait plus frais — et il n'y avait encore personne dans les rues. Il marcha le long de plusieurs pâtés de maisons dans la faible lumière, troublé par l’étrangeté, tendu et quelque peu effrayé. Il essaya de ne pas penser à ce qu'il allait faire. Il y avait déjà assez pensé.

Dans le petit quartier des affaires, il trouva ce qu'il voulait, un petit magasin appelé La boîte à bijoux. Au coin de la rue voisine se trouvait un banc en bois peint en vert, il s'y dirigea et s'assit, son corps endolori par l’effort de la longue marche.

Ce n'est que quelques minutes plus tard qu'il vit un être humain.

C'était une femme, une femme à l'air fatigué dans une robe bleue informe, qui se dirigeait vers lui en traînant les pieds dans la rue. Il détourna rapidement les yeux, abasourdi. Elle n'avait pas l'air normale. Il s'était attendu à ce qu'ils fassent à peu près sa taille, mais celui-ci était plus petit que lui d'une tête. Son teint était plus rougeaud qu'il ne l'avait imaginé, et plus foncé. Et l'aspect, la sensation, était étrange —même s'il s’était douté que les voir ne serait pas la même chose que de les regarder à la télévision.

Finalement, il y eut d'autres personnes dans la rue, et elles étaient toutes, en gros, comme la première. Il entendit un homme dire, en passant, "... comme je le disais, ils ne font plus de voitures comme celle-là", et, bien que l'énonciation soit étrange, moins claire que ce à quoi il s'attendait, il pouvait comprendre l'homme facilement.

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L'homme tombé du ciel, le roman de 1963L'homme tombé du ciel, le roman de 1963

La traduction de Nicole Tisserand (1973).

1985 : LA CHUTE D’ICARE

I

APRÈS TROIS KILOMÈTRES de marche, il arriva à une ville. A la frontière, un panneau indiquait : Haneyville, 1 400 habitants. C’était bien, c’était une bonne taille. Il était encore tôt — il avait choisi de faire ces trois kilomètres à pied pendant la matinée car il faisait plus frais, et les rues étaient encore désertes. Il en traversa quelques-unes dans le petit jour blafard, dérouté par cette étrangeté, tendu et légèrement effrayé. Il essaya de ne pas penser à ce qu’il allait faire. Il y avait déjà suffisamment réfléchi.

Dans le petit quartier commerçant, il trouva ce qu’il cherchait : une minuscule boutique appelée La Boîte à Bijoux. Non loin de là, au coin de la rue, il y avait un banc de bois vert où il alla s’asseoir, le corps endolori par la longue marche qu’il venait d’accomplir.

Quelques minutes plus tard, il vit un être humain.

C’était une femme, une femme à l’air fatigué vêtue d’une robe bleue informe qui se dirigeait vers lui en traînant les pieds. Il détourna rapidement les yeux, sidéré. Il y avait en elle quelque chose qui n’allait pas. Il s’attendait à ce qu’elle soit à peu près de la même taille que lui, mais il dépassait celle-ci de plus d’une tête. Son teint était plus rougeaud et plus sombre qu’il ne le prévoyait. Et c’était étrange de la voir, de la sentir — même s’il savait déjà que ce ne serait pas pareil de les voir en vrai que de les regarder à la télévision.

La rue s’anima peu à peu, et tous les habitants étaient à peu près comme la première femme. Il entendit un passant dire : « … comme je dis, des voitures comme ça, on n’en fabrique plus » ; et, bien que la prononciation fût bizarre, moins nette qu’il ne se l’imaginait, il comprit facilement.

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Ronja, fille de brigands, la série télévisée de 2024

Ronja Räubertochter (2024)
Traduction : Ronja, fille de voleur.
Titre anglais : Ronja the robber's daughter.

Noter que ce roman a déjà été adapté deux fois pour les écrans : en film et mini-série en 1984, en série animée en 2014 par les studios Ghibli.

Six premiers épisode à partir du 28 mars 2024 sur NETFLIX INT/FR.

De Lisa James Larsson sur un scénario de Hans Rosenfeldt d'après le roman Ronja Rövardotter de 1981 de Astrid Lindgren ; avec Kerstin Linden, Christopher Wagelin, Krista Kosonen, Johan Ulveson, Sverrir Gudnason, Maria Nohra, Kim Kold, Joakim Nätterqvist, Björn Elgerd, Per Lasson, Isa Aouifia, Logi Tulinius.

Pour adultes et adolescents.

(presse, Fantasy pour la jeunesse) Les aventures d'une jeune fille née au sein d'une bande de brigands dans une forteresse médiévale scandinave au cœur d'une forêt enchantée.Ronja, fille de brigands, la série télévisée de 2024

Ronja, fille de brigands, la série télévisée de 2024

Ronja, fille de brigands, la série télévisée de 2024

Ronja, fille de brigands, la série télévisée de 2024

Ronja, fille de brigands, la série télévisée de 2024

Ronja, fille de brigands, la série télévisée de 2024

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Fantaisies a la manière de Jacques Callot, les nouvelles de 1814Feu vert livre / BD

Fantasiestücke in Callots Manier (1814)
Traduction : Fantaisies a la manière de Jacques Callot.
Egalement connu sous le titre "Les contes d'Hoffmann".

Recueilli en 1814 dans le quatrième volume des contes d’E. T. A. Hoffmann, une compilation de nouvelles déjà éditées préalablement.
Notamment traduit en français par Henry Egmont en 1836 chez Béthune et Plon, Paris.
Notamment traduit en octobre 1979 par Henri DE CURZON dans Fantaisies dans la manière de Callot chez PHEBUS FR, réédité chez POCKET FR en 1990.
Notamment réédité le 3 mai 2018 dans Fantaisies dans la manière de (Jacques) Callot chez LIBRETTO FR.

Notamment adapté au théâtre par Jules Barbier et Michel Carré sous le titre Les contes fantastiques d'Hoffmann, première en 1851 à Paris.
Notamment adapté en opérette Jacques Offenbach (musique posthume) et Jules Barbier (texte) sous le titre Les contes d'Hoffmann, première le 10 février 1881 à Paris.
Adapté en film muet sorti en Allemagne le 25 février 1916, en partie perdu.
Adapté en film muet sorti en Autriche le 6 avril 1923.
Le film anglais de 1951 est une adaptation de l’opérette chantée en anglais.

De Ernst Theodor Amadeus Hoffmann.

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Le texte original de E.T.A Hoffmann (1814)

Die Geschichte vom verlornen Spiegelbilde.

Endlich war es doch so weit gekommen, daß Erasmus Spikher den Wunsch, den er sein Leben lang im Herzen genährt, erfüllen konnte. Mit frohem Herzen und wohlgefülltem Beutel setzte er sich in den Wagen, um die nördliche Heimath zu verlassen und nach dem schönen warmen Welschland zu reisen. Die liebe fromme Hausfrau vergoß tausend Thränen, sie hob den kleinen Rasmus, nachdem sie ihm Nase und Mund sorgfältig geputzt, in den Wagen hinein, damit der Vater zum Abschiede ihn noch sehr küsse. „Lebe wohl, mein lieber Erasmus Spikher,“ sprach die Frau schluchzend, „das Haus will ich Dir gut bewahren, denke fein fleißig an mich, bleibe mir treu und verliere nicht die schöne Reisemütze, wenn Du, wie Du wol pflegst, schlafend zum Wagen herausnickst.“ – Spikher versprach das. –

In dem schönen Florenz fand Erasmus einige Landsleute, die voll Lebenslust und jugendlichen Muths in den üppigen Genüssen, wie sie das herrliche Land reichlich darbot, schwelgten. Er bewies sich ihnen als ein wackrer Kumpan und es wurden allerlei ergötzliche Gelage veranstaltet, denen Spikhers besonders muntrer Geist und das Talent, dem tollen Ausgelassenen das Sinnige beizufügen, einen eignen Schwung gaben. So kam es denn, daß die jungen Leute (Erasmus erst sieben und zwanzig Jahr alt, war wol dazu zu rechnen) einmal zur Nachtzeit in eines herrlichen, duftenden Gartens erleuchtetem Boskett ein gar fröhliches Fest begingen. Jeder, nur nicht Erasmus, hatte eine liebliche Donna mitgebracht. Die Männer gingen in zierlicher altteutscher Tracht, die Frauen waren in bunten leuchtenden Gewändern, jede auf andere Art, ganz fantastisch gekleidet, so daß sie erschienen wie liebliche wandelnde Blumen. Hatte Diese oder Jene zu dem Saitengelispel der Mandolinen ein italienisches Liebeslied gesungen, so stimmten die Männer unter dem lustigen Geklingel der mit Syrakuser gefüllten Gläser einen kräftigen deutschen Rundgesang an. — Ist ja doch Italien das Land der Liebe.

Der Abendwind säuselte wie in sehnsüchtigen Seufzern, wie Liebeslaute durchwallten die Orange und Jasmindüfte das Boskett, sich mischend in das lose neckhafte Spiel, das die holden Frauenbilder, all’ die kleinen zarten Buffonerien, wie sie nur den italienischen Weibern eigen, aufbietend, begonnen hatten. Immer reger und lauter wurde die Lust. Friedrich, der Glühendste vor Allen, stand auf mit einem Arm hatte er seine Donna umschlungen, und das mit perlendem Syrakuser gefüllte Glas mit der andern Hand hoch schwingend, rief er:

„Wo ist denn Himmelslust und Seligkeit zu finden als bei Euch, Ihr holden, herrlichen, italienischen Frauen, Ihr seyd ja die Liebe selbst. – Aber Du, Erasmus,“ fuhr er fort, sich zu Spikher wendend, „scheinst das nicht sonderlich zu fühlen, denn nicht allein, daß Du, aller Verabredung, Ordnung und Sitte entgegen, keine Donna zu unserm Feste geladen hast, so bist Du auch heute so trübe und in Dich gekehrt, daß, hättest Du nicht wenigstens tapfer getrunken und gesungen, ich glauben würde, Du seyst mit einem Mal ein langweiliger Melancholikus geworden.“

— „Ich muß Dir gestehen, Friedrich,“ erwiederte Erasmus, „daß ich mich auf die Weise nun einmal nicht freuen kann. Du weißt ja, daß ich eine liebe, fromme Hausfrau zurückgelassen habe, die ich recht aus tiefer Seele liebe, und an der ich ja offenbar einen Verrath beginge, wenn ich im losen Spiel auch nur für einen Abend mir eine Donna wählte. Mit Euch unbeweibten Jünglingen ist das ein Andres, aber ich, als Familienvater“

Die Jünglinge lachten hell auf, da Erasmus bei dem Worte „Familienvater“ sich bemühte, das jugendliche gemüthliche Gesicht in ernste Falten zu ziehen, welches denn eben sehr possierlich herauskam.

Friedrichs Donna ließ sich das, was Erasmus teutsch gesprochen, in das Italienische übersetzen, dann wandte sie sich ernsten Blickes zum Erasmus und sprach, mit aufgehobenem Finger leise drohend: „Du kalter, kalter Teutscher! – verwahre Dich wohl, noch hast Du Giulietta nicht gesehen!“

In dem Augenblick rauschte es beim Eingange des Bosketts, und aus dunkler Nacht trat in den lichten Kerzenschimmer hinein ein wunderherrliches Frauenbild. Das weiße, Busen, Schultern und Nacken nur halb verhüllende Gewand, mit bauschigen bis an die Ellbogen streifenden Aermeln, floß in reichen breiten Falten herab, die Haare vorn an der Stirn gescheitelt, hinten in vielen Flechten heraufgenestelt. — Goldene Ketten um den Hals, reiche Armbänder um die Handgelenke geschlungen, vollendeten den alterthümlichen Putz der Jungfrau, die anzusehen war, als wandle ein Frauenbild von Rubens oder dem zierlichen Mieris daher.

„Giulietta!“ riefen die Mädchen voll Erstaunen. Giulietta, deren Engelsschönheit Alle überstrahlte, sprach mit süßer lieblicher Stimme: „Laßt mich doch Theil nehmen an Euerm schönen Fest, ihr wackern teutschen Jünglinge. Ich will hin zu Jenem dort, der unter Euch ist so ohne Lust und ohne Liebe.“

Damit wandelte sie in hoher Anmuth zum Erasmus und setzte sich auf den Sessel, der neben ihm leer geblieben, da man vorausgesetzt hatte, daß auch er eine Donna mitbringen werde. Die Mädchen lispelten unter einander: „Seht, o seht, wie Giulietta heute wieder so schön ist!“ und die Jünglinge sprachen: „Was ist denn das mit dem Erasmus, er hat ja die Schönste gewonnen und uns nur wol verhöhnt?“

*

La traduction au plus proche

L'histoire du reflet perdu.

Enfin, Erasmus Spikher put réaliser le désir qu'il avait nourri toute sa vie dans son cœur. Le cœur joyeux et la bourse bien remplie, il s'installa dans la voiture pour quitter sa patrie du nord et se rendre dans la belle et chaude Romanie. La chère et pieuse ménagère versa mille larmes ; après avoir soigneusement nettoyé le nez et la bouche du petit Rasmus, elle le souleva dans la voiture pour que son père l'embrasse encore très fort en guise d'adieu.

« Adieu, mon cher Erasmus Spikher, dit la femme en sanglotant, je te garderai bien la maison, pense bien à moi, reste-moi fidèle et ne perds pas ta jolie casquette de voyage, si, comme tu en as l'habitude, à t’endormir dans la calèche la tête baissée. »

Spikher le promit.

Dans la belle Florence, Érasme trouva quelques compatriotes qui, pleins de joie de vivre et d'un courage juvénile, se délectaient des plaisirs somptueux que leur offrait en abondance ce magnifique pays. Il se révéla être un bon compagnon et toutes sortes de réjouissances furent organisées, auxquelles l'esprit particulièrement vif de Spikher et son talent pour ajouter du sens à l'hilarité donnèrent un élan particulier.

C'est ainsi que les jeunes gens (Érasme, qui n'avait que sept et vingt ans, pouvait bien être compté parmi eux) firent un jour une fête très joyeuse, à la nuit tombée, dans le bosquet illuminé d'un jardin magnifique et odorant. Chacun, à l'exception d'Érasme, avait amené avec lui une charmante dame. Les hommes étaient vêtus d'un délicat costume de l'ancienne Allemagne, les femmes étaient habillées de façon fantastique, chacune d'une manière différente, de sorte qu'elles ressemblaient à d'adorables fleurs ambulantes. Si l'une ou l'autre chantait une chanson d'amour italienne au son des cordes de la mandoline, les hommes entonnaient un chant allemand puissant sous le tintement joyeux des verres remplis de Syracusa. — Après tout, l'Italie est le pays de l'amour.

Le vent du soir murmurait comme des soupirs nostalgiques, les parfums d'orange et de jasmin parcouraient le bosquet comme des sons d'amour, se mêlant au jeu lâche et taquin que les ravissantes figures féminines avaient commencé à offrir, avec toutes les petites bouffonneries délicates qui ne sont propres qu'aux femmes italiennes.

Le désir devenait de plus en plus vif et bruyant. Frédéric, le plus ardent de tous, se leva, enlaçant d'un bras sa Donna, et brandissant de l'autre main le verre rempli de Syracusa pétillante, il s'écria : « Où donc trouver les plaisirs du ciel et la félicité, si ce n'est chez vous, charmantes et splendides femmes italiennes, vous êtes l'amour même.

« Mais toi, Érasme, continua-t-il en se tournant vers Spikher, tu n'as pas l'air de le sentir particulièrement, car non seulement tu n'as invité aucune donna à notre fête, contrairement à tous les rendez-vous, à l'ordre et aux usages, mais encore tu es aujourd'hui si morne et si replié sur toi-même que, si tu n'avais pas au moins bu et chanté courageusement, je croirais que tu es devenu tout à coup un mélancolique ennuyeux.

— Je dois t'avouer, Frédéric, répondit Érasme, que je ne peux pas me réjouir de cette façon. Tu sais que j'ai laissé derrière moi une chère et pieuse ménagère que j'aime profondément, et à laquelle je trahirais manifestement si je choisissais, ne serait-ce que pour un soir, une Donna.

Les jeunes gens éclatèrent de rire, car Érasme, en disant ‘père de famille’, s'efforçait de plisser gravement son visage juvénile et agréable, ce qui le rendait très drôle. La Donna de Frédéric se fit traduire en italien ce qu'Érasme avait dit en allemand, puis, se tournant vers Érasme d'un air grave, elle lui dit, en levant le doigt et en le menaçant doucement : « Froid, froid, Allemand ! Garde-toi bien, tu n'as pas encore vu Giulietta ! »

A cet instant, il y eut un bruit à l'entrée du bosquet, et, sortant de la nuit noire, une vision de femme merveilleuse apparut dans la lueur des bougies. La robe blanche, qui ne couvrait qu'à moitié la poitrine, les épaules et la nuque, avec des manches bouffantes qui descendaient jusqu'aux coudes, formait de larges plis, les cheveux étaient séparés par une raie sur le front et relevés en tresses derrière. — Des chaînes d'or autour du cou, de riches bracelets autour des poignets, complétaient le costume antique de la jeune fille, qui semblait sortir d’un portrait de Rubens ou du gracieux Mieris.

« Giulietta ! » s'écrièrent les jeunes filles avec étonnement.

Giulietta, dont la beauté angélique éclipsait tout le monde, répondit d'une voix douce et suave : « Laissez-moi donc prendre part à votre belle fête, braves jeunes gens allemands. Je veux aller voir celui qui est parmi vous sans plaisir et sans amour. »

Elle se dirigea alors avec beaucoup de grâce vers Érasme et s'assit sur le fauteuil qui était resté vide à côté de lui, car on avait supposé qu'il amènerait aussi une donna. Les jeunes filles zézayaient entre elles : « Regardez, ô regardez comme Giulietta est belle aujourd'hui à nouveau ! » et les jeunes gens disaient : « Qu'est-ce que c'est que cet Érasme, il a gagné la plus belle et il s'est bien moqué de nous ? »

*

La traduction de Henry Hegmont de 1836 pour Béthune et Plon

L’HISTOIRE DU REFLET PERDU

L'heure était enfin arrivée où Érasme Spikher pouvait accomplir le souhait le plus ardent qu'eût nourri son cœur depuis qu'il était au monde. Ce fut ivre de joie, et la bourse bien garnie, qu'il monta en voiture pour quitter le nord, sa patrie, et se rendre dans la chaude et belle Italie. Sa tendre et sensible moitié, noyée dans un torrent de larmes, souleva une dernière fois le petit Rarasme à la portière, après lui avoir essuyé proprement le nez et les lèvres, pour que son père lui donnât les baisers d'adieu, et dit ensuite elle-même en sanglotant : « Adieu ! mon cher Érasme Spikher ! Je veillerai soigneusement sur la maison; pense bien souvent à moi, reste-moi fidèle, et ne perds pas ton joli bonnet de voyage en penchant la tête hors de la voiture, comme c'est ton habitude en dormant. » Spickher promit cela.

Dans la douce Florence, Érasme trouva plusieurs compatriotes, qui, pleins de l'ardeur de la jeunesse et avides des plaisirs de la vie, se livraient à toutes les jouissances faciles et multipliées qu'offre ce pays magnifique. Il fraya avec eux comme un brave et solide compagnon, et l'on organisa mille délicieuses parties auxquelles l'humeur joyeuse de Spikher et son talent tout particulier d'allier une certaine raison aux folies les plus désordonnées, donnaient un attrait tout particulier.

Il arriva donc que nos jeunes gens (Érasme, âgé de vingt-sept ans seulement, pouvait bien prétendre à ce titre) célébraient une fois pendant la nuit, dans un jardin magnifique, et sous un bosquet parfumé et tout resplendissant, un festin des plus joyeux. Chacun, Érasme seul excepté, avait amené avec soi une charmante donna. Les hommes étaient vêtus de l'ancien costume allemand si distingué, les femmes portaient des robes aux couleurs vives et tranchées, taillées la plupart d'une manière capricieuse et fantastique, ce qui les faisait pour ainsi dire ressembler à autant de fleurs éclatantes et douées de la vie. Quand l'une d'elles avait terminé, aux doux accords de la mandoline, quelque romance d'amour italienne, les convives entonnaient, au joyeux cliquetis des verres remplis de vin de Syracuse, une énergique chanson aux refrains allemands. Oh ! l'Italie est réellement le pays favori de l'amour.

La brise de nuit murmurait de langoureux soupirs dans le feuillage embaumé par les douces émanations des jasmins et des orangers; il semblait que de voluptueux accents voltigeassent dans l'air mêlés aux plaisanteries malicieuses et délicates qu'inspirait à ces femmes charmantes le folâtre enjouement dont leur sexe en Italie possède exclusivement le secret.

La joie devenait de plus en plus bruyante et exaltée. Frédéric, le plus bouillant de la troupe, se leva : d'un bras il avait entouré la taille de sa dame, et de l'autre, élevant en l'air son verre rem pli de vin pétillant, il s'écria : « Où peut-on trouver le bonheur et les plaisirs du ciel ailleurs qu'auprès de vous, ravissantes, divines femmes italiennes! Oui, vous êtes l'amour lui-même !

— Mais toi, Érasme ? poursuivit-il en se tournant vers Spikher, tu n'as vraiment pas l'air d'en être convaincu, car outre que tu n'as amené à cette fête aucune dame, contrairement à nos conventions et à tous les usages reçus, tu es encore aujourd'hui tellement triste et préoccupé, que si tu n'avais du moins vaillamment bu et chanté, je croirais que tu as été subitement atteint d'une noire et fastidieuse hypocondrie.

— Je t'avouerai, Frédéric, répartit Érasme, que je ne saurais partager des divertissements de ce genre. Tu sais bien que j'ai laissé derrière moi une bonne et tendre ménagère, que j'aime aussi du plus profond de mon âme, et envers qui je commettrais évidemment une trahison en choisissant une dame, à votre exemple, même pour une seule nuit. Pour vous autres garçons, c'est autre chose ; mais moi, en qualité de père de famille.... »

Les jeunes gens éclatèrent de rire en voyant Érasme, à ce mot de père de famille, s'efforcer d'imprimer à sa physionomie enjouée et juvénile un air de gravité sénatoriale.

La dame de Frédéric se fit traduire en italien ce qu'Érasme venait de dire en allemand ; puis elle se tourna vers lui, et, d'un air sérieux, lui dit en le menaçant de son doigt levé : « Va, prends garde, froid Allemand ! prends bien garde : tu n'as pas encore vu Giulietta. »

En cet instant, un léger frôlement se fit entendre à l'entrée du bosquet, et l'on vit paraître, à la splendeur des bougies, une femme d'une merveilleuse beauté. Sa robe blanche, qui ne couvrait qu'à demi son dos, sa gorge et ses épaules, garnie de manches bouffantes fendues jusqu'au coude, formait autour d'elle mille plis étoffés, et ses cheveux abondants, séparés sur son front, étaient nattés et relevés par derrière. Une chaîne d'or au cou, de riches bracelets complétaient la parure antique de la jeune beauté, qui ressemblait à une Vierge de Rubens ou du gracieux Miéris.« Giulietta ! » — s'écrièrent les jeunes filles avec l'accent de la surprise. Giulietta, dont la beauté angélique les éclipsait toutes, dit d'une voix douce et pénétrante : « Me laisserez-vous prendre part à votre joyeuse fête, jeunes et braves Allemands ? je choisis ma place auprès de celui-ci, qui le seul d'entre vous paraît abattu et le cœur vide d'amour. »

En même temps elle s'avança avec une grâce enchanteresse vers Érasme, et s'assit sur le siège resté vide auprès de lui, par suite de la convention prise entre tous les convives d'amener chacune sa donna. Les femmes chuchotaient entre elles : « Voyez donc, voyez comme Giulietta est encore belle aujourd'hui ! »

Et les jeunes gens disaient : « Que veut dire ceci ? Mais c'est qu'Érasme en vérité a la plus belle part de nous tous, et sans doute il se raillait de nous. »

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Fantaisies a la manière de Jacques Callot, les nouvelles de 1814Fantaisies a la manière de Jacques Callot, les nouvelles de 1814

Autres traductions à venir.

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Ici la page du forum Philippe-Ebly.fr consacrée à ce recueil de nouvelles.

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Le Tour du monde en quatre-vingts jours, la série de 2021Feu rouge télévisionRécit toxique à ne regarder qu'avec prudence et esprit critique

Around The World In 80 Days (2021)
Traduction du titre anglais : autour du monde en 80 jours.
Titre français : Le tour du monde en 80 jours.

Une saison de huit épisodes de 49 minutes chaque.

Attention : Soyez avertis avant de visionner cette série qu'en tant qu’attrape-clic et jouant le héros en chef du roman, David Tennant sera sur toutes les photos et le moins possible à l’écran, exclusivement pour avoir l’air faible, misérable, passif comme le sont tous les mâles blancs, sauf dans la réalité et dans les bons récits d’aventures, dans lesquels les héros de n’importe quelles couleurs ou sexe restent des héros, et n’ont pas besoin d’éclipser les autres pour faire illusion.

Diffusé en Belgique depuis le 5 décembre 2021.
Diffusé en France à partir de soir lundi 20 décembre 2021 sur France Télévision 2 et en streaming
Avant-première les 8 épisodes sur le site de France.tv jusqu'au 27/12/2021.
Diffusé en Angleterre à partir du 26 décembre 2021 sur BBC ONE.

De Simon Crawford Collins, d'après le roman de Jules Verne de 1872. Avec David Tennant, Leonie Benesch, Ibrahim Koma, Shivani Ghai.

Pour adultes.

(aventure toxique woke révisionniste) Une horloge montée sur un décor de marbre. La même horloge en photo sur le plateau à thé d’un vieux domestique tremblant comme une feuille — Grayson pose le plateau et aide à boutonner (un bouton…) de son maître, qui prend la photo de l’horloge. Au verso est écrit en anglais « lâche ». Le maître demande en vain qui a déposé cette photo, puis termine apparemment de s’habiller seul, ce qui est simplement invraisemblable à cette époque et compte tenu de son rang social.

Dans une ruelle, une femme rousse en cheveux (sans chapeau, ni même bandeau ou résille) discute avec quatre ouvriers qui fument dans une ruelle d’allure mal famée, et à moins que cette femme ne soit une prostituée, c’est absolument contraire à l’étiquette de l’époque, y compris pour les femmes (honnêtes) de condition modeste, mais les scénaristes semblent décidément n’avoir pas fait leurs devoirs et n’avoir aucune idée de l’époque et de la société à laquelle leurs personnages semblent appartenir. Puis elle prend la cigarette de l’ouvrier et la fume, jusqu’à ce qu’on lui tende un journal qu’elle ouvre avec un grand sourire : son premier article est censé figurer dedans.

Dans les cuisines d’une grande maison, une femme (de chambre, noire) fricote en public avec possiblement un valet de pieds (noir évidemment) qui parle français. Personne n’ayant regardé Down Town Abbey ou n’importe quel film d’époque correctement documenté, ou même (soyons fou) n’ayant lu les magazines, journaux et documents d’époque, l’incongruité de la scène et ses conséquences dans la réalité semble totalement échapper à la production.

Un club de gentlemen apparemment anglais, maladroitement servis par le valet de pied vu la scène d’avant, qui s’excuse en français : apparemment on y boit tôt dans la journée, et le valet se permet de balancer des glaçons sur un membre du club qui se moque des français qui inventent des montgolfières : comment ce valet n’est-il pas viré dans la seconde, les membres du club apprécient-ils à ce point qu’un grand noir leur glisse publiquement des glaçons dans le pantalon ? Voilà-t-y pas que la rousse débarque (dans un club seulement ouvert aux hommes). Nous sommes 1872, et aucune femme n’aurait pu passer le portier. La donzelle (qui ne sait pas se tenir, marcher, se présenter etc.) entend se plaindre après de son patron que son article est signé d’un nom d’homme parce qu’elle prétend qu’en 1872 un directeur qui se trouve être son père n’a pas le droit de choisir sous quel nom paraisse les articles de son journal (et manque de chance, il en a parfaitement le droit). Plus rappelons qu’à l’époque la fille en question est mineure, et vu qu’elle est célibataire, elle est sous l’autorité légale de son père le directeur de journal qui seul décide de son emploi et de sous quel nom elle peut se produire en public.

Figurez-vous que la donzelle a tout simplement eu l’idée de faire le tour du monde en 80 jours en utilisant tous les moyens de transport de l’époque et comme elle vient d’humilier publiquement devant ses pairs, Phinéas déclare tout de go qu’il va prouver que c’est possible, simplement parce qu’il s’ennuie et voudrait redorer sa réputation de lâche (nous ignorons toujours pourquoi il en aurait hérité). Nous apprenons alors (parce que ce n’était pas la peine de présenter le personnage avant) qu’elle serait la fille du directeur du journal : inopinément un membre du club veut parier avec Phinéas Fog (c’est le type qui reçoit des insultes anonymes).

Pendant ce temps, Passe-Partout (le valet noir) tue un domestique dans les cuisines, et se présente (sans lettres de crédit, c’est impossible), directement à Phinéas Fog, qui bien sûr fait potentiellement entrer un égorgeur dans sa maison richement meublée, prétendant qu’une agence l’envoie : quelle agence, et pourquoi ce n’est pas le valet ou le secrétaire ou la gouvernante ou je ne sais qui d’autres qui s’occupe de recevoir les aspirants domestiques. Phinéas Fog ferait-il aussi le ménage chez lui ?

La rouquine (Abigail Fix) vient trouver son père pour lui soutirer de l’argent plutôt qu’un prochain article dans son journal et elle insiste pour que tout le monde sache à l’occasion de son prochain article qu’elle n’est publiée que parce qu’elle est la fille de son père, et cette dame ne sait apparemment décidément pas quoi faire de ses mains, ce qui est une entorse plus à l’étiquette. Elle embrasse quasiment sur la bouche son père (???) pour le remercier pour le fric tout en clamant en sortant qu’elle est née pour dépenser le fric de son… père. Dans la rue, Phinéas annonce à Passepartout qu’ils s’en vont à Paris, et étonnamment, Passepartout s’étonne de voyager avec son maître, autre entorse à l’étiquette, un valet de l’époque devant se montrer impassible et obéir, à moins qu’il ait humblement une suggestion pertinente à soumettre.

Phinéas prend le bateau pour Paris, et là encore, d’une manière particulièrement improbable, il est accosté sans aucune manière à bord du bateau par Abigail qui sans chaperon embarque précisément dans le même bateau. Elle n’a pas pu suivre Phinéas depuis le club vu qu’elle était avec son père, et les mouchards avec GPS ça n’existe pas, elle n’a aucun réseau d’informateurs, n’a posé de question à personne et aborde Phinéas au moment où il est en train de vomir par-dessus le bastingage (gaffe à la direction du vent ! ah non, pas besoin, la production tourne avec un écran vert et ignore les lois de la physique). Son prétendu valet n’essaie pas de l’aider en quoi que ce soit (essuyer le vomi du menton ? tenir le chapeau…) et quand le chapeau s’envole à cause du vent, il commente que le chapeau est rentré au pays de son maître. L’étonnant est que le chapeau ait attendu tout ce temps pour s’envoler, vu qu’il ne tenait pas sur la tête de son propriétaire.

Le Tour du monde en quatre-vingts jours, la série de 2021

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Ici la page du forum Philippe-Ebly.fr consacrée à cette série télévisée.

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