Animalia, le film de 2023Feu rouge cinéma

Animalia (2023)
Traduction du latin : les animaux.
Titre français : Parmi nous.

Attention, il semble que les images d'accouchement à la fin soient vraies, mais de toute manière, c'est encore loin de la réalité si la réalité vous choque : écoutez ou réécoutez plutôt la chanson d'Anaïs La plus belle chose au monde 2010 si vous n'avez vraiment aucune idée de la véritable expérience, ou, en moins sexy, (re)voyez le premier film Alien.

Sorti en France le 9 août 2023.

De Sofia Alaoui (également scénariste); avec Oumaïma Barid, Mehdi Dehbi, Fouad Oughaou, Souad Khouyi, Rajaa Essaaidi, Az Elarab Kaghat.

Pour adultes.

(invasion extraterrestre) Une fontaine devant l’entrée d’une maison blanche de style oriental. Les oiseaux chantes, le soleil brille. L’entrée, le soleil irradiant par les jours sur le côté de la double porte. Le coin salon et ses fauteuils de style ancien, le lustre de cristal…

Une domestique à coiffe blanc et à la blouse rose rejoint la cuisine où les cuisinières papotent joyeusement. La maîtresse de maison rejoint sa fille et tout le monde se tait. La jeune fille (Itto) découpe de la viande crue. Plus tard, elle remonte l’escalier, et curieusement, ce n’est que maintenant que l’on peut constater qu’elle est largement enceinte.

Dans sa chambre luxueuse, elle ôte sa robe, et oui, c’est confirmé, elle a un ventre énorme. Puis elle se choisit une robe, se maquille. Au rez-de-chaussée, une voiture klaxonne, deux hommes entre, un vieux et un jeune, que la maîtresse de maison et sa fille rhabillée et re-maquillée accueillent chaleureusement.

Nous retrouvons le jeune barbu (Amine) et la jeune fille enceinte (Itto) au bord de la piscine. Le jeune barbu lui annonce (en français) qu’ils viennent de signer : va-t-elle venir voir les terrains ? elle approuve : ils sont grands, un (bâtiment) pour les poulets, l’autre pour les fruits et légumes (à l’export) pour l’Europe ; ils ont commencé à mettre les panneaux solaires, ils vont être les premiers à faire ça ! (c’est) technologiquement à la pointe.

Le jeune barbu embrasse sur le ventre la jeune fille enceinte : « Je suis trop content : le mec y va nous les laisser là, la semaine prochaine, et à partir de là, ça commence… Tu sais qu’on va être riche ? Très riches ! Tu te rends compte ou pas ? La jeune fille enceinte confirme d’une onomatopée. Le jeune homme insiste : « On va pouvoir construire notre maison ! » Elle répond : « ça c’est bien… » et lui caresse ses cheveux courts. Le téléphone du jeune homme sonne.

Au dîner, la jeune fille fait tomber de la nourriture en sauce rouge sur la table. Le père vante le projet de son fils de devenir le plus grand exploitant de volailles de la raison et explique qu’il a dû « aider » pour obtenir les autorisations légales.

Dans la chambre des jeunes mariés, le jeune barbu explique qu’il doit accompagner son père, et que ce n’est pas comme si elle devait rester toute seule. La jeune fille explique que sa belle-famille la déteste, et le jeune homme de lui répondre s’arrêter avec ses complexes à deux balles.

43 minutes de projection plus tard, la jeune fille enceinte a fugué chez les Berbères pour tenter de rejoindre son mari après la proclamation d’un état d’urgence de cause inconnue, et quand elle tente de rentrer à la ville, son chauffeur Fouad insiste pour passer voir de plus près « le Diable », aka une colonne de fumée émergeant du sol désertique qui tel un orage immobile est parcouru de petits éclairs verts. Fouad tombe à genoux devant. En le rejoignant, la jeune fille se perd dans des visions de flammes, de ressac et d’oiseaux qui crient.

Sans transition, elle se retrouve dans le grand salon où toute sa belle-famille est réunie pour prier et retrouve son jeune mari tête basse, qui semble désespéré, et ne pas la remarquer quand elle vient pour lui caresser les chevaux. Par contre, quand elle se retrouve ensuite face à des moutons en plein désert, l’un des moutons la remarque et vient la trouver. Elle l’étreint et entend la rumeur de voix qui semblent lui parler. Puis elle voit des sortent de gouttes d’eau verte montant dans l’Espace formant comme un matrice au cœur d’une nébuleuse en forme d’œil dans le ciel interstellaire.

Elle se retrouve sur Terre debout à côté de Fouad, et ils repartent sur la route désertique passant le troupeau des moutons comme si de rien n’était. Passé les barrages militaires, elle retrouve la ville, sa maison, sa famille en train de prier autour du journal télévisée, qui explique que d’après l’ONU, ces envahisseurs extraterrestres ne seraient pas encore descendus sur Terre.

La jeune femme retrouve son mari pour lui demander comment il peut vivre à côté de la réalité, croire en Dieu, pourquoi il évite de discuter de tout avec elle. Il semblerait que toute à ses débats existentiels, elle n’est pas encore réalisé qu’il évite ainsi de se disputer péniblement avec elle et de la battre comme le lui commanderait la tradition – parce qu’elle est encore enceinte. Gageons qu’après l’accouchement, elle ne tardera pas à avoir ses réponses.

Plus tête, Itto regarde dans le noir la télévision avec un éditorialiste de plus qui raconte n’importe quoi du moment que ses mots se contredisent en permanence, aka multipliant les double-contraintes, comme tous les éditorialistes et autres « journaleux » d’aujourd’hui : sur les extraterrestres, qui cette fois sont censés être descendus sur Terre, incarnés et non incarnés à la fois, s’incarnant au contact des humains sans s’incarner.

A ce stade, cette invasion extraterrestre pourrait bien être une invention de plus du Forum Economique Mondial pour ruiner l’économie et imposer la dictature absolue planétaire qu’il ne cesse de vanter. A 20 minutes de la fin de la projection, la famille a décidé d’aller prier à la mosquée. Itto rechigne notamment après avoir aperçu un homme en train de se vautrer dans les sacs poubelles comme pour les ouvrir avec ses dents.

Puis comme son jeune mari la force à aller du côté où les femmes prient, elle est abordée par une jeune femme souriante non voilée aux cheveux longs lâchés qui tient la main d’une petite fille, celle-ci l’accusant de ne pas être sa mère. La jeune femme dit à Itto qu’elle est enceinte d’une petite fille, et que cette enfant et les autres seront leur espoir à venir. La véritable mère de la petite fille vient la récupérer.

Toutes les femmes s’agenouillent à l’extérieur devant la mosquée pour leur prière. Tandis qu’un oiseau passe et repasse pour crier, Itto jette son chapelet par terre. L’oiseau se pose et s’envole sur les dos des femmes prosternés, parfois effrayées. Itto se met à pleurer, son jeune mari à l’intérieur. Lui aussi entend des oiseaux chanter.

Forcément : les oiseaux entrent de plus en plus nombreux dans la mosquée pour se percher sur les lustres et chanter. Dehors, Itto remarque que sa belle-mère et sa belle-sœur ont des fourmis qui lui court sur elles. Itto en tue une, et comme personne ne lui répond, elle se retourne en direction de son mari qui semble chanceler.

Alors elle entre dans la mosquée pour ramener son mari, et perd ses eaux, la chose tout à fait pure à faire pour une femme dans un lieu islamique où les femmes sont interdites ainsi que les gens sales (« impurs »). Elle déclenche un mouvement d’indignation, mais son mari lui répète que tout ira bien : il y a des forces qui prennent le contrôle et ce qui est en bas est comme ce qui est en haut. Parce que ces choses font le miracle d’une seule chose. Itto demande quoi ? Son mari pose la main sur le gros ventre et Itto crie de douleur.

Et accouche à 1h18 de la projection soit neuf minutes avant la fin du film et juste avant un monologue de conclusion.

Animalia, le film de 2023

Animalia, le film de 2023

Animalia, le film de 2023

Animalia, le film de 2023

Animalia, le film de 2023

Animalia, le film de 2023

***

Ici la page du forum Philippe-Ebly.fr consacrée à ce film.

***

Le loup-garou de Paris, le film de 1997Feu orange cinéma

An American Werewolf in Paris (1997)
Traduction du titre : un loup-garou américain à Paris.
Titre français : Le loup-garou de Paris.

Sorti en Angleterre le 31 octobre 1997,
Sorti aux USA le 25 décembre 1997,
Sorti en France le 6 mai 1998.

Sorti en blu-ray allemand le 16 juin 2017, réédité le 26 janvier 2018, le 23 novembre 2018.
Sorti en blu-ray espagnol RESEN ES le 26 janvier 2018.
Réédité en blu-ray allemand le 21 janvier 2022 (trois éditions limitées).
Sorti en coffret blu-ray+4K allemand le 6 mai 2022.
Annoncé en blu-ray anglais FINAL CUT UK le 26 février 2024.

De Anthony Waller (également scénariste), sur un scénario de Tim Burns et Tom Stern ; avec Tom Everett Scott, Julie Delpy, Vince Vieluf, Phil Buckman, Julie Bowen.

Pour adultes et adolescents.

(comédie horrique fantastique) Paris la nuit, sa tour Eiffel illuminée, ses gargouilles, ses coups de tonnerre et ses chœurs chantant à plein poumons en latin sous la pluie. Une plaque d’égout se soulève. En sort un homme barbu en imperméable qui détaille vers le terre-plein appelant un taxi. A l’opéra, l’orchestre s’active. Sur le terre-plein, l’homme est suivi par-dessous les grilles des égout. Il trébuche, appelle le chauffeur de taxi à l’aide, mais quand celui-ci arrive pour le relever, la grille de l’égout se soulève. Le chauffeur prend la fuite, l’homme est happé.

Plus tard de jour dans un train, trois jeunes américains boivent du vin rouge et débattent de point de sexe et du fait que si la jeune fille qui vient de passer devant eux est intéressé par des idiots dans son genre. Andy affirme que non, ses potes le défient d’obtenir un numéro de téléphone et lui demande depuis combien de temps il n’a pas fait l’amour – avec quelqu’un d’autre que lui-même. Andy promet qu’il leur montrera sa force une fois arrivé à Paris.

La nuit suivante, le gardien laisse sortir les derniers visiteurs de la Tour Eiffel et referme derrière eux. Les derniers ? Pas tout à fait, Andy et ses deux camarades se sont caché à l’intérieur, et les voilà à peiner dans l’escalier leurs sacs sur le dos dans l’espoir d’atteindre le dernier étage. Andy y parvient seul et s’accoude à la rambarde. Les deux autres arrivent plus tard – la vue sur la ville obscure et la pleine lune est à couper le souffle, surtout quand on est déjà essoufflé. C’est alors que le gardien coupe la lumière. Andy sort alors une corde de son sac et les autres lui demandent ce qu’il est en train de faire, se demandant s’ils l’ont poussé trop loin. Puis l’un des deux tente de dissuader Andy.. C’est alors qu’ils entendent du bruit, et ils se cachent derrière un pilier. Sauf que la longue corde est au milieu.

Sur le passage menant à l’escalier il est clairement spécifié « interdit au public ». Et c’est une très jolie française en larmes qui vient s’accouder à la rambarde, une lettre à la main. Quand elle commence à escalader la rambarde, Andy se précipite et la supplie de ne pas sauter, mais quand il lui propose de l’aider à redescendre, elle saute – et défiant les lois de la physique élémentaire, parvient à l’attraper par les chevilles. Or il se trouve qu’Andy a encore la corde attachée à son pied… et la dépose comme une fleur sur le sol. Puis la corde se retend, et Andy remonte dans les airs pour se cogner violemment la tête contre une poutre de métal de la tour. Il se réveille à l’hôpital, de jour, avec ses deux potes qui lui apprennent que la jeune fille est partie sans demander son reste. Andy veut la retrouver, parce qu’elle pourrait tenter de recommencer, tandis que les autres pensent qu’une fille suicidaire ne peut que lui poser de gros problèmes. Andy envoie ses deux camarades chercher la lettre de l’inconnue, mais c’est depuis son lit d’hôpital que le jeune américain aperçoit la jolie fille — et c’est une infirmière. Il la rattrape et la hèle dans le couloir, la chaussure perdue de la jeune fille à la main.

Le loup-garou de Paris, le film de 1997

Le loup-garou de Paris, le film de 1997

Le loup-garou de Paris, le film de 1997

Le loup-garou de Paris, le film de 1997

Le loup-garou de Paris, le film de 1997

***

Ici la page du forum Philippe-Ebly.fr consacrée à ce film.

***

Par-delà le mur du sommeil, la nouvelle de 1919Feu vert livre / BD

Beyond the Wall of Sleep (1919)
Traduction : au-delà du mur du sommeil.
Titre français : Par-delà le mur du sommeil.

Sorti aux USA dans octobre 1919 dans le fanzine Pine Cones ;
Paru dans le magazine Weird Tales, numéro de mars 1938,
Traduit en français par Jacques Papy en 1956 aux éditions Denoël. 

De Howard Philip Lovecraft.

Pour adultes et adolescents.

(presse, épouvante fantastique, Dark Fantasy, monstre) Joe Slater, un « White trash » originaire des Catskill, est interné dans un hôpital psychiatrique à la suite d'un meurtre. Les médecins constatent que Slater est atteint de violentes crises de démences matinales. Lors de l'une de ces crises, il décrit une entité flamboyante vivant aux confins de l'espace et de qui il désire se venger.

*

Par-delà le mur du sommeil, la nouvelle de 1919Par-delà le mur du sommeil, la nouvelle de 1919

Le texte original de H. P. LOVECRAFT en mars 1938

Beyond the Wall of Sleep

What strange, splendid yet terrible experiences came to the poor mountaineer in the hours of sleep?—a story of a supernal being from Algol, the Demon-Star

I HAVE often wondered if the majority of mankind ever pause to reflect upon the occasionally titanic significance of dreams, and of the obscure world to which they belong. Whilst the greater number of our nocturnal visions are perhaps no more than faint and fantastic reflections of our waking experiences—Freud to the contrary with his puerile symbolism—there are still a certain remainder whose immundane and ethereal character permits of no ordinary interpretation, and whose vaguely exciting and disquieting effect suggests possible minute glimpses into a sphere of mental existence no less important than physical life, yet separated from that life by an all but impassable barrier. From my experience I cannot doubt but that man, when lost to terrestrial consciousness, is indeed sojourning in another and uncorporeal life of far different nature from the life we know, and of which only the slightest and most indistinct memories linger after waking. From those blurred and fragmentary memories we may infer much, yet prove little. We may guess that in dreams life, matter, and vitality, as the earth knows such things, are not necessarily constant; and that time and space do not exist as our waking selves comprehend them. Sometimes I believe that this less material life is our truer life, and that our vain presence on the terraqueous globe is itself the secondary or merely virtual phenomenon.

It was from a youthful revery filled with speculations of this sort that I arose one afternoon in the winter of 1900-01, when to the state psychopathic institution in which I served as an interne was brought the man whose case has ever since haunted me so unceasingly. His name, as given on the records, was Joe Slater, or Slaader, and his appearance was that of the typical denizen of the Catskill Mountain region; one of those strange, repellent scions of a primitive Colonial peasant stock whose isolation for nearly three centuries in the hilly fastnesses of a little-traveled countryside has caused them to sink to a kind of barbaric degeneracy, rather than advance with their more fortunately placed brethren of the thickly settled districts. Among these odd folk, who correspond exactly to the decadent element of "white trash" in the South, law and morals are non-existent; and their general mental status is probably below that of any other section of the native American people.

Joe Slater, who came to the institution in the vigilant custody of four state policemen, and who was described as a highly dangerous character, certainly presented no evidence of his perilous disposition when I first beheld him. Though well above the middle stature, and of somewhat brawny frame, he was given an absurd appearance of harmless stupidity by the pale, sleepy blueness of his small watery eyes, the scantiness of his neglected and never-shaven growth of yellow beard, and the listless drooping of his heavy nether lip. His age was unknown, since among his kind neither family records nor permanent family ties exist; but from the baldness of his head in front, and from the decayed condition of his teeth, the head surgeon wrote him down as a man of about forty.

From the medical and court documents we learned all that could be gathered of his case: This man, a vagabond, hunter and trapper, had always been strange in the eyes of his primitive associates. He had habitually slept at night beyond the ordinary time, and upon waking would often talk of unknown things in a manner so bizarre as to inspire fear even in the hearts of an unimaginative populace. Not that his form of language was at all unusual, for he never spoke save in the debased patois of his environment; but the tone and tenor of his utterances were of such mysterious wildness, that none might listen without apprehension. He himself was generally as terrified and baffled as his auditors, and within an hour after awakening would forget all that he had said, or at least all that had caused him to say what he did; relapsing into a bovine, half-amiable normality like that of the other hill-dwellers.

*

Traduction au plus proche

PAR-DELA LE MUR DU SOMMEIL

Quelles expériences étranges, splendides et pourtant terribles ont été vécues par le pauvre alpiniste pendant ses heures de sommeil ? — le récit d'un être surnaturel venu d'Algol, l'Etoile-Démon.

Je me suis souvent demandé si la majorité de l'humanité s'arrêtait un jour pour réfléchir à la signification parfois titanesque des rêves et du monde obscur auquel ils appartiennent. Si le plus grand nombre de nos visions nocturnes ne sont peut-être que de faibles et fantastiques reflets de nos expériences éveillées — pour contredire Freud et son symbolisme puéril — il en est encore un certain nombre dont le caractère immatériel et éthéré ne permet aucune interprétation ordinaire, et dont l'effet vaguement excitant et dérangeant suggère d'infimes aperçus instantanés possibles dans une sphère de l'existence mentale non moins importante que la vie physique, mais séparée de cette vie par une barrière presque infranchissable. De mon expérience, je ne puis douter que l'homme, lorsqu'il perd la conscience terrestre, ne séjourne en effet dans une autre vie, désincarnée, de nature très différente de celle que nous connaissons, et dont seuls les souvenirs les plus infimes et les plus indistincts subsistent après le réveil. De ces souvenirs flous et fragmentaires, nous pouvons déduire beaucoup de choses, mais prouver peu. Nous pouvons deviner que dans les rêves, la vie, la matière et la vitalité, telles que la terre les connaît, ne sont pas nécessairement constantes, et que le temps et l'espace n'existent pas tels que nous les concevons à l'état de veille. Je crois parfois que cette vie moins matérielle est notre vie la plus vraie, et que notre vaine présence sur le globe terrestre est elle-même un phénomène secondaire ou simplement virtuel.

C'est à partir d'une rêverie de jeunesse remplie de spéculations de ce genre que je me suis levé un après-midi de l'hiver 1900-1901, lorsque fut amené à l'institution psychopathique d’État dans laquelle je servais comme interne l'homme dont le cas m'a depuis lors hanté sans cesse. Son nom, tel qu'il figurait sur les registres, était Joe Slater, ou Slaader, et son apparence était celle d'un habitant typique de la région des montagnes Catskill ; l'un de ces descendants étranges et repoussants d'une lignée de paysans coloniaux primitifs dont l'isolement pendant près de trois siècles dans les hauteurs d'une campagne peu fréquentée les fit sombrer dans une sorte de dégénérescence barbare, plutôt que de progresser avec leurs frères plus heureusement placés dans les districts densément peuplés. Chez ces gens bizarres, qui correspondent exactement à l'élément décadent des "pauv’blancs" du Sud, la loi et la morale sont inexistantes ; et leur état mental général est probablement inférieur à celui de toute autre section du peuple américain indigène.

Joe Slater, qui était arrivé à l'institution sous la garde vigilante de quatre policiers d'État, et qui avait été décrit comme un personnage très dangereux, ne présentait certainement aucune preuve de sa disposition dangereuse lorsque je l'ai vu pour la première fois. Bien qu'il ait dépassé la taille moyenne et que sa charpente soit quelque peu robuste, il avait une apparence absurde de stupidité inoffensive à cause de la pâleur et de la somnolence de ses petits yeux larmoyants, de l'étroitesse de sa barbe jaune négligée et jamais rasée, et de l'affaissement apathique de sa lourde lèvre inférieure. On ne connaissait pas son âge, car chez les gens de son espèce, il n'y a pas de registre de famille ni de liens familiaux permanents ; mais d'après la calvitie de sa tête en avant et l'état de décomposition de ses dents, le chirurgien en chef l’inscrivit comme un homme d'environ quarante ans.

Les documents médicaux et judiciaires nous ont appris tout ce qui pouvait être recueilli sur son cas : Cet homme, un vagabond, chasseur et trappeur, avait toujours été étrange aux yeux de ses associés primitifs. Il avait l'habitude de dormir la nuit au-delà de l'heure ordinaire, et à son réveil, il parlait souvent de choses inconnues d'une manière si bizarre qu'elle inspirait la peur même dans le cœur d'une population sans imagination. Non pas que la forme de son langage soit inhabituelle, car il ne parlait jamais que dans le patois avili de son milieu, mais le ton et la teneur de ses propos étaient d'une sauvagerie si mystérieuse que personne ne pouvait l'écouter sans appréhension. Lui-même était généralement aussi terrifié et déconcerté que ses auditeurs, et dans l'heure qui suivait son réveil, il oubliait tout ce qu'il avait dit, ou du moins tout ce qui l'avait poussé à dire ce qu'il avait dit ; il retombait dans une normalité bovine, à moitié amorphe, comme celle des autres habitants des collines.

*

Par-delà le mur du sommeil, la nouvelle de 1919Par-delà le mur du sommeil, la nouvelle de 1919Par-delà le mur du sommeil, la nouvelle de 1919Par-delà le mur du sommeil, la nouvelle de 1919Par-delà le mur du sommeil, la nouvelle de 1919

La traduction française de Jacques Papy pour Denoël.

Je me suis souvent demandé si la majorité du genre humain prend jamais le temps de réfléchir à la signification, formidable parfois, des rêves et du monde obscur auquel ils appartiennent. Bien que la plupart de nos visions nocturnes ne soient peut-être rien d’autres que de vagues et bizarres reflets de nos expériences à l’état de veille — n’en déplaise à Freud avec son symbolisme puéril — il en reste néanmoins dont le caractère dépaysant et éthéré ne permet aucune interprétation banale, et dont l’effet vaguement provocateur et inquiétant évoque la possibilité de brefs aperçus dans une sphère d’existence mentale non moins importante que la vie physique, et pourtant séparée d’elle par une barrière pratiquement infranchissable. D’après mon expérience, je ne puis douter que cet homme qui a perdu sa conscience de Terrien séjourne en réalité dans une vie autre et incorporelle, d’une nature fort différente de la vie que nous connaissons, et dont ne demeurent au réveil que les souvenirs les plus fragiles et les plus confus. De ces souvenirs flous et fragmentaires, on peut tirer beaucoup de déductions mais peu de preuves. On devine que dans la vie des rêves, le matériel et le vivant ne sont pas nécessairement immuables ; et que le temps et l’espace n’existent pas tels que les saisit notre moi éveillé. Je pense quelque fois que cette existence moins matérielle est notre vie véritable, et que notre vaine présence sur le globe terraqué est elle-même le phénomène secondaire ou simplement virtuel.

Ce fut d’une rêverie juvénile pleine de spéculations de ce genre que j’émergeai un après-midi de l’hiver 1900-1901, lorsqu’on amena dans l’établissement public de psychopathologie où j’exerçais les fonctions d’interne l’homme dont le cas, depuis, n’a jamais cessé de me hanter. Il fut inscrit sous le nom de Joe Slater, ou Slaader, et il avait le type caractéristique d’un montagnard des Catskill ; un de ces rejetons étranges et repoussants d’une race paysanne primitive de colons, que près de trois siècles d’isolement dans les repaires accidentés d’une campagne peu fréquentée avaient plongés en une sorte de dégénérescence barbare, au lieu qu’ils progressent comme leurs congénères plus heureux des districts fortement peuplés. Chez ces gens bizarres, équivalents exacts de l’élément décadent des « petits Blancs » du Sud, il n’est ni loi ni morale, et leur niveau mental est probablement inférieur à celui de n’importe quel autre groupe américain de souche.

Joe Slater, qui arriva dans notre établissement sous la garde vigilante de quatre agents de police, et qui fut décrit comme très dangereux, ne présentait assurément aucun signe de ce naturel redoutable quand je l’aperçus pour la première fois. Malgré une taille au-dessus de la moyenne et un corps plutôt vigoureux, il avait l’allure ridicule d’un inoffensif idiot, avec ses petits yeux larmoyants d’un bleu pâle et sans vie, les poils rares d’une barbe jaune hirsute, non taillée, et la lourde lèvre inférieure qu’il laissait pendre mollement. On ne connaissait pas son âge, car chez ces gens-là, il n’existe ni archives familiales ni liens permanents de parenté ; mais d’après la calvitie à l’avant du crâne et le mauvais état des dents, le médecin-chef inscrivit que l’homme avait la quarantaine.

***

Ici la page du forum Philippe-Ebly.fr consacrée à cette nouvelle.

***

Soleil vert, le roman de 1966Feu orange livre / BD

Make Room! Make Room! (1966)
Traduction du titre : Faites place ! faites de place !
Titre français : Soleil vert.

Sorti le 17 juin 1966 aux USA chez DOUBLE DAY.
Sorti en trois parties en Angleterre dans le magazine SF IMPULSE, vol. 1 numéro 6, 7 et 8 octobre 1966,
Traduit en français par Emmanuel DE MORATI en mai 1974 aux PRESSES DE LA CITE FR,
Réédité en juillet 1988 chez POCKET.
Compilé en décembre 2005 dans Catastrophes, chez OMNIBUS FR.
Retraduit par Sébastien Guillot en Juin 2014 pour J'AI LU FR collection Millénaires (grand format).
Réédité en poche chez J'AI LU FR en juin 2016, puis en mai 2020.

Adapté "librement" (l'intrigue principale du film n'a rien à voir avec celle du roman) en film Soylent Green 1973.

De Harry Harrison.

Pour adultes.

(presse, dystopie, prospective) New York City en 1999 (soit 33 ans après l'année de parution du roman). Andy Rusch, inspecteur de police de 30 ans, vit dans une demi-pièce qu'il partage avec Sol, un ingénieur à la retraite qui a adapté un vélo pour produire de l'énergie pour un vieux téléviseur et un réfrigérateur. Lorsqu'Andy fait la queue pour leur ration d'eau qui ne cesse de diminuer, il assiste à un discours public des "Eldsters", des personnes âgées mises à la retraite de force. Une émeute éclate lorsqu'un magasin d'alimentation voisin propose une vente surprise de steaks "soylent" (soja et lentilles). Le magasin est pillé par la foule. Billy Chung, un Taïwanais américain de 18 ans, s'empare d'une boîte de steaks. Il en mange une partie et vend le reste afin de réunir assez d'argent pour trouver un emploi de coursier de la Western Union.

Sa première livraison le conduit dans un immeuble d'habitation fortifié, doté des rares luxes de la climatisation et de l'eau courante pour les douches. Il livre son message à un riche racketteur nommé "Big Mike" O'Brien et voit Shirl, la maîtresse de Mike, âgée de 23 ans. Billy quitte l'appartement, mais le répare pour pouvoir revenir dans l'immeuble plus tard. Il s'introduit chez Mike, mais lorsque celui-ci le surprend en flagrant délit, Billy le tue accidentellement et s'enfuit, les mains vides. Une preuve peut relier un patron du crime de l'extérieur de la ville qui pourrait essayer de s'étendre à New York, une menace pour les associés de Mike. Ils veillent à ce qu'Andy continue à travailler sur cette affaire, en plus de ses tâches habituelles.

*

Soleil vert, le roman de 1966

Le texte original de Harry Harrison pour l'éditeur américain DOUBLEDAY en juillet 1966 et pour le magazine anglais SF Impulse d’août 1966

MAKE ROOM!
MAKE ROOM!


PROLOGUE

In December, 1959, the President of the United States, Dwight D. Eisenhower, said: “This government . . . will not ... as long as I am here, have a positive political doctrine in its programme that has to do with this problem of birth control. That is not our business.” It has not been the business of any American government since that time.

In 1950 the United States—with just nine and a half per cent of the world’s population—was consuming fifty per cent of the world's raw materials. This percentage keeps getting bigger and within fifteen years, at the present rate of growth, the United States will be consuming eighty-three per cent of the annual output of the earth’s materials. By the end of the century, should the American population continue to increase at the same rate, this single country will need more than one hundred per cent of the planet’s resources to maintain its current living standards. This is a mathematical impossibility—aside from the fact that there will be about seven billion people on this earth at that time and—perhaps—they would like to have some of the raw materials too.

In which case, what will the world be like?

PART ONE

MONDAY, AUGUST 9th, 1999

NEW YORK CITY—
— stolen from the trusting Indians by the wily Dutch, taken from the law-abiding Dutch by the warlike British, then wrested in turn from the peaceful British by the revolutionary Colonials. Its trees were burnt decades ago, its hills levelled arid the fresh ponds drained and filled, while the crystal springs have been imprisoned underground and spill their pure waters directly into the sewers. Reaching out urbanizing tentacles from its island home, the city has become a megalopolis with four of its five boroughs blanketing half of one island over a hundred miles long, engulfing another island, and sprawling up the Hudson River onto the mainland of North America. The fifth and original borough is Manhattan ; a slab of primordial granite and metamorphic rock bounded on all sides by water, squatting like a steel and stone spider in the midst of its web of bridges, tunnels, tubes, cables and ferries. Unable to expand outward Manhattan has writhed upwards, feeding on its own flesh as it tears down the old buildings to replace them with the new, rising higher and still higher—yet never high enough, for there seems to be no limit to the people crowding here. They press in from the outside and raise their families, and their children and their children’s children raise families, until this city is populated as no other city has ever been in the history of the world.

*

Traduction au plus proche

FAITES PLACE !
FAITES PLACE !


PROLOGUE

En décembre 1959, le président des États-Unis, Dwight D. Eisenhower, déclara : « Ce gouvernement... ... n'aura pas... tant que je serai ici, une doctrine politique positive dans son programme qui ait à voir avec ce problème du contrôle des naissances. Ce n'est pas notre affaire. »

Depuis lors, ce n'est l'affaire d'aucun gouvernement américain.

En 1950, les États-Unis — avec seulement neuf pour cent et demi de la population mondiale — consommaient cinquante pour cent des matières premières du monde. Ce pourcentage ne cesse d'augmenter et d'ici quinze ans, au rythme de croissance actuel, les États-Unis consommeront quatre-vingt-trois pour cent de la production annuelle de matières premières de la planète. À la fin du siècle, si la population américaine continue à augmenter au même rythme, ce seul pays aura besoin de plus de cent pour cent des ressources de la planète pour maintenir son niveau de vie actuel. Il s'agit d'une impossibilité mathématique, outre le fait qu'il y aura environ sept milliards d'habitants sur la terre à ce moment-là et qu'ils voudront peut-être aussi avoir une partie des matières premières.

Dans ce cas, à quoi ressemblera le monde ?

PREMIÈRE PARTIE

LUNDI 9 AOÛT 1999

NEW YORK —
— volée aux Indiens confiants par les Hollandais rusés, prise aux Hollandais respectueux des lois par les Britanniques belliqueux, puis arrachée à son tour aux Britanniques pacifiques par les Colons révolutionnaires. Ses arbres ont été brûlés il y a des dizaines d'années, ses collines nivelées et ses étangs frais drainés et remplis, tandis que les sources de cristal ont été emprisonnées sous terre et déversent leurs eaux pures directement dans les égouts. En étendant ses tentacules urbanisantes à partir de son île natale, la ville est devenue une mégalopole dont quatre des cinq arrondissements couvrent la moitié d'une île de plus de 160 km de long, engloutissent une autre île et s'étendent le long du fleuve Hudson jusqu'au continent de l'Amérique du Nord. Le cinquième et premier arrondissement est Manhattan, une dalle de granit primordial et de roche métamorphique bordée d'eau de tous côtés, qui se dresse comme une araignée d'acier et de pierre au milieu de sa toile de ponts, de tunnels, de tubes, de câbles et de ferries. Incapable de s'étendre vers l'extérieur, Manhattan s'est tordue vers le haut, se nourrissant de sa propre chair tandis qu'elle démolit les anciens bâtiments pour les remplacer par les nouveaux, s'élevant toujours plus haut, mais jamais assez haut, car il semble n'y avoir aucune limite aux personnes qui s'entassent ici. Ils se pressent de l'extérieur et élèvent leurs familles, et leurs enfants et les enfants de leurs enfants élèvent des familles, jusqu'à ce que cette ville soit peuplée comme aucune autre ville ne l'a jamais été dans l'histoire du monde.

*

Soleil vert, le roman de 1966Soleil vert, le roman de 1966Soleil vert, le roman de 1966Soleil vert, le roman de 1966

La traduction française de Sébastien Guillot pour J’ai-Lu Millénaires.

SOLEIL VERT

Prologue

En décembre 1959, le président des Etats-Unis, Dwight D. Eisenhower, disait : « Aussi longtemps que je serai ici […] ce gouvernement […] n’aura dans son programme […] aucune politique de contrôle des naissances. Ce n’est pas notre affaire. » Et ce n’a été celle d’aucun gouvernement américain depuis cette époque.

En 1950, les Etats-Unis — avec tout juste 9,5 % de la population mondiale — consommaient 50% des matières premières de la planète. Ce pourcentage ne cesse de s’accroître, et d’ici quinze ans, au rythme de croissance actuel, ils en consommeront plus de 83% par an. D’ici la fin du siècle, si notre population devait continuer à augmenter au même rythme, ce pays aura besoin de plus de 100% des ressources de notre monde pour conserver notre niveau de vie présent. C’est une impossibilité mathématique — sans compter le fait qu’il y aura environ sept milliards de personnes sur cette Terre à ce moment-là, des personnes qui, peut-être, auront aussi envie de profiter un peu de ces matières premières.
Dès lors, à quoi le monde ressemblera-t-il ?

Lundi 9 août 1999

New York


… volée à des Indiens confiants par de fourbes Néerlandais, prise aux Néerlandais légalistes par des Britanniques belliqueux, pour qu’en suite les colons révolutionnaires viennent l’arracher à de paisibles britannique. Ses arbres ont été brûlés des décennies plus tôt, ses collines nivelées, ses étangs asséchés et remblayés, tandis que ses sources cristallines emprisonnées sous terre déversaient leurs eaux pures directement dans les égouts. En étendant ses tentacules de béton depuis l’île originelle, la ville est devenue une mégalopole dont quatre de ses cinq arrondissements englobent la moitié d’une île de plus de cent soixante kilomètres de long, et en engloutissant au passage une autre pour s’étirer ensuite jusqu’à l’Hudson River. L’arrondissement restant historiquement le premier de tous, Manhattan est un bloc de granit primordial et de roche métamorphique entouré de tous côtés par l’eau, tapi telle une araignée de pierre et d’acier au milieu de sa toile de ponts, de tunnels, de métros, de câbles et de ferrys. Incapable de s’étendre vers l’extérieur, Manhattan s’est développée en hauteur, en se nourrissant de sa propre chair — les vieux bâtiments étant détruits pour être remplacés par de nouveaux. Elle se dresse toujours plus haut, même si cela ne semble jamais suffire, comme s’il n’y avait aucune limite au nombre d’habitants décidés à venir s’y entasser. Il s’y pressent depuis l’extérieur pour y élever leurs enfants, qui eux-mêmes y fonderont une famille, qui elle-même… jusqu’à faire de cette cité la plus peuplée de l’histoire du monde.

*

Soleil vert, le roman de 1966

La nouvelle traduction de Sébastien Guillot de juin 2014 pour J'AI LU FR.

... à venir.

***