Medea 1969
Attention : Contrairement à ce qui est écrit un peu partout, Medea 1969 n’est pas un film « tout public ». C’est un film pour adultes.
Sorti en italie le 28 décembre 1969 ; en France le 28 janvier 1970 ; aux USA le 28 octobre 1970 ; en Angleterre en 1975 ; ressortie en France le 7 janvier 2004 ; sorti en blu-ray anglais le 5 décembre 2011 ; blu-ray américain le 6 décembre 2011 (multi-régions, Italien DD mono redoublé) ; sorti en blu-ray français le 2 octobre 2013 ; ressortie en France le 15 novembre 2017; annoncé le 6 juin 2023 en blu-ray français CARLOTTA FR.
De Pier Paolo Pasolini (également scénariste), d'après Medea (431 avant J.C.) d'Euripides ; avec Maria Callas, Laurent Terzieff, Giuseppe Gentile, Massimo Girotti.
Pour adultes.
(Fantasy antique tragique horrifique) Un centaure bras croisés dans une grange déclare à un bambin hilare : « Aujourd’hui, tu as cinq ans et je veux que tu saches la vérité à ton propos : tu n’es pas mon fils, et je ne t’ai pas davantage trouvé en mer. Je t’ai dit un gros mensonge. Tu n’as pas l’habitude mentir, mais moi si : j’adore raconter des mensonges. Ça te déplait de savoir que tu n’es pas mon fils ? Que je ne suis ni ton père ni ta mère ? »
Le centaure se râcle la gorge puis reprend : « Tout a commencé avec la peau d’un bélier. Tu vois, il y avait ce bélier – un bélier divin. Ce bélier, le dieu Hermès l’avait donné à Nephele, la reine des nuages, parce que Nephele devait sauver ses enfants d’Ino, qui voulait les tuer. Ino était la fiancée de Cadmus, et la seconde épouse du roi Orchomenus.qui s’appelait Athamas… »
Les explications semblent endormir le gamin, aussi le centaure hausse le ton : « Athamas, le fils d’Eolys, qui gouverne les vents, auquel Ino avait aussi été mariée, en premier. En bref, tout ça, c’était une question de jalousie.
Cette fois, le gamin qui était assis s’allonge carrément et ferme les yeux. Le centaure ne semble pas le remarquer et continue : « Le bélier dont je te parlais, dont la toison était d’or, réussit à permettre la traversée des mers jusqu’à un lieu sûr d’un seul des deux fils de Nephele, dont le nom était Phrixius : il arriva à la cité d’Aea, dont le roi, Aeetes, était le fils du Soleil. Le roi accueillit Phrixus et sacrifia à Zeus le bélier divin dont la toison était d’or, en signe de sa gratitude.
Et cette fois le bambin est complètement endormi, sur le dos, à même le pavé. Plus tard, le centaure reprend son histoire, alors qu’il a emmené sur son dos le même enfant, sur une langue de terre herbue s’avançant sur les eaux d’un possible fleuve : « le descendant d’Aéolys fit tout en son pouvoir pour récupérer la toison d’or, mais elle apportait bonne fortune aux rois — elle garantissait que leur royaume durerait à jamais, et que toutes les choses resteraient comme elles étaient. Les descendant d’Aeolys firent tout en leur pouvoir pour récupérer cette toison d’or, mais aucun n’y parvint. Aucun. »
Le centaure tourne sa tête et tend sa main droite vers l’enfant : « Eh bien toi, mon garçon, tu es un descendant d’Aeolys, parce que tu es le fils d’un fils de cet Athamas dont je te parlais. Tu t’en souviens ? Celui qui était le Roi dfe Lolcus, un lieu voisin, riche en moutons et en grains. Et tout de ce lieu était propriété du roi. Ton oncle, Pelias, emprisonné par ton père, s’empara du royuame qui t’appartient de droit. Mais je t’ai gardé ici avec moi, loin du danger. Tu comprends mon garçon ? »
Le gamin ne répond rien. Il n’a pas parlé depuis le début du récit du centaure, qui reprend : « Comme tu le vois, cette histoire est un peu compliquée, parce qu’elle est pleine de causes mais pas de raisons. »
Revenu sur la bande de terre derrière la maison de bois et de chaume, séparée de l’eau du fleuve par un rideau de roseaux, le centaure répète : « Tout est sacré ! Rien n’est naturel par nature, mon garçon. Tâche de t’en souvenir. Quand le jour la nature te paraîtra naturelle, cela veut dire que tout sera fini, et que ce sera le début de quelque chose d’autre. »
De sa haute taille, le centaure peut facilement surveiller le garçon qui a déjà grandi et s’exerce à pêcher. Le centaure soupire : « Adieu le ciel, adieu la mer ! Quel beau ciel... si proche, si serein. Ne te semble-t-il pas que cette petite partie du ciel est plutôt surnaturelle, et sous l’emprise d’un dieu ? Et pour la mer, c’est pareil aujourd’hui, le jour de ton treizième anniversaire alors que tu pêches pieds nus dans l’eau tiède… »
Le jeune garçon a tourné la tête vers le centaure et a l’air soudain inquiet. « Regarde derrière toi. Que vois-tu ? Sans doute quelque chose de naturel ? Non. C’est une apparition : tout ce que tu vois derrière toi, avec les nuages qui se reflètent dans l’eau calme, immobile, à la troisième heure de l’après-midi. Regarde là-bas, ce trait noir sur la mer, aussi luisant et rose que de l’huile… »
Mais le jeune garçon s’intéresse plutôt à un petit crabe qui se déplace latéralement sur la boue séchée, et qu’il capture. Le centaure ajoute : « Les ombres de ces armes, ces récifs — partout où ton regard se porte, un dieu est caché… et s’il advenait qu’il ne soit pas là, les signes de sa présence sacrée y sont : le silence, ou l’odeur de l’herbe, ou la frâicheur de l’eau apaisante : oui, tout est saint. Mais la sainteté est aussi une malédiction : les dieux qui aiment, ils haïssent tout en même temps. »
Retour à la grange. Jason, car c’était lui, est désormais un jeune homme barbu tout aussi souriant, et encore assis sur le pavé. Mais son maître n’est plus centaure, c’est un humain qui n’a pas vieilli cependant, qui déclare : « Peut-être que je suis un trop grand menteur pour toi… ou peut-être je me suis montré trop poétique ! Mais vois-tu, pour un homme ancien, tous les mythes et les rituels sont l’expérience de la réalité, et font partir de son existence quotidienne comme de son corps. Pour lui, la réalité est une entité si parfaite, que l’émotion qu’il ressent dans l’immobilité d’un ciel silencieux est égale à la plus profonde des expérience personnelle d’un homme moderne. »
Et nous retrouvons le jeune homme et son maître au bord de l’eau. Le maître lui ordonne : « Tu ira trouver ton oncle, l’usurpateur de ton trône, pour revendiquer ton héritage légitime. Il trouvera quelque prétexte pour se débarrasser de toi. Il t’enverra au loin mener quelque mission, par exemple récupérer la toison d’or. Tu iras jusqu’à une terre lointaine de l’autre côté de la mer. Là-bas tu trouveras un monde dont la logique est très différente de la nôtre. La vie y sera très réaliste, comme tu pourras le constater, parce qu’il n’y a que ceux qui sont vraiment mythologique qui sont réalistes, et que ceux qui sont réalistes qui sont mythiques. En tout cas, c’est ce qui a été deviné par notre raison divine. Ce que la raison est incapable de percevoir, ce sont les inévitables erreurs et où elles te mèneront. Et il y en aura beaucoup. »
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Ici la page du forum Philippe-Ebly.fr consacrée à ce film.
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