Wool (2011)
Sorti le 29 juillet 2011, version électronique le 30 juillet 2011, compte d’auteur AMAZON CHAPBOOK US.
Traduit en français par Yoann Gentric & Laure Manceau pour ACTES SUD FR ;
réédité en poche en janvier 2016 au LIVRE DE POCHE FR ;
réédité en intégrale le 4 octobre 2017.
Réédité en intégrale le 31 mai 2023 chez Actes sud.
Adapté en série télévisée sur APPLE MOINS INT/FR.
De Hugh Howey.
Pour adultes et adolescents.
(Prospective, presse) 2345, dans l’Etat de Géorgie USA. Ils sont des milliers à vivre au fond d’un silo enterré dont seul l’étage le plus élevé est censé avoir vu sur la surface dévastée de la Terre. Seulement la population ne voit l’extérieur que par écrans interposés, et la rumeur court qu’il s’agit d’un trucage, que la Terre en réalité est pleine de vie et tout à fait respirable. Le silo n’a pas d’Histoire, et lorsque Allison, l’épouse du Sheriff Holston, se déclare certaine que l’extérieur est vivable, elle doit volontairement quitter la communauté équipée d’une combinaison censée la protéger et nettoyer les lentilles des caméras filmant l’extérieur. Mais sous les yeux de tous, elle succombe une fois sa mission accomplie et à son tour, Holston veut mourir. Il y a bien un truc, mais ce n’est pas ce que Allison s’imaginait.
*
Le texte original de Hugh Howey, pour Amazon / Chapbook US
For those who dare to hope.
Part 1 – Holston
The children were plaing while Holston climbed to his death; he could hear them squealing as only happy children do. While they thundered about frantically above, Holston took his time, each step methodical and ponderous, as he wound his way around and around the spiral staircase, old boots ringing out on metal treads.
The threads, like his father’s boots, showed signs of wear. Paint clung to them, in feeble chips, mostly in the corners and undersides, where they were safe. Traffic elsewhere on the staircase sent dust shivering off in small clouds. Holston could feel the vibrations in the railing, which was worn down to the gleaming metal. That always amazed him: how centuries of bare palms and shuffling feet could wear down solid steel. One molecule at a time, he supposed. Each life might wear away a single layer, even as the silo wore away that life.
Each step was slightly bowed from generations of traffic, the edge rounded down like a pouting lip. In the centre, there was almost no trace of the small diamonds that once gave the threads their grip. Their absence could only be inferred from the pattern to either side, the small pyramidal bumps rising from the flat steel with their crisp edges and flecks of paint.
Holston lifted an old boot to an old step, pressed down, and did it again. He lost himself in what the untold years had done, the ablation of molecules and lives, layers and layers gound to fine dust. And he thought, not for the first time, that neither life nor staircase had been meant for such an existence. The tight confines of that long spiral, threading through the buried silo like a straw in a glass, had not been built for such abuse. Like much of their cylindical home, it seemed to have been made for other purposes, for functions long since forgotten. What was now used as a thoroughfare for thousands of people, moving up and down in repetitious daily cycles, seemed more apt in Holston’s view to be used only in emergencies and perhaps by mere dozens.
Another floor went by — a pie-shaped division of dormitories. As Holston ascended the last few levels, this last climb he would ever take, the sounds of childlike delight rained down even louder from above. This was the laughter of youth, of souls who had not yet come to grips with where they lived, who did not yet feel the press of the earth on all sides, who in their minds were not buried at all, but alive. Alive and un worn, dripping happy sounds down the stairwell, trils that were incongruous with Holston’s actions, his decision and determination to go outside.
As he neared the upper level, one young voice rang out above the others, and Holston remembered being a child in the silo — all the schooling and the games. Back then, the stuffy concrete cylinder had felt, with its floors and floors of appartments and workshops and hydroponic gardens and purification rooms with teir tangles of pipes, like a vast universe, a wide expanse one could never fully explore, a labyrinth he and his friends could get lost in for ever.
But those days were more than thirty years distant. Holston’s childhood now felt like something two or three lifetimes ago, something someone else had enjoyed. Not him. He had an entire lifetime as sheriff weighing heavy blocking off that past. And more recently, there was this third stage of his life — a secret life beyond childhood and being sheriff. It was the last layers of himself ground to dust; three years spent silently waiting for what would never come, each day longer than any month from his happier lifetimes.
At the top of the spiral stairway, Holston’s hand ran out of railing. The curvy bar of worn steel ended as the stairwell emptied into the widest rooms of the entire silo complex: the cafeteria and the adjoining lounge.
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Traduction au plus proche.
Pour ceux qui osent espérer.
1ère partie – Holston
Les enfants jouaient pendant que Holston grimpait vers la mort ; il pouvait les entendre brailler comme seuls le font les enfants heureux. Tandis qu'ils tonnaient frénétiquement au-dessus de lui, Holston prenait son temps, chaque pas méthodique et pesant, alors qu'il tournait encore et encore dans l'escalier en colimaçon, ses vieilles bottes résonnant sur les marches en métal.
Les degrés, comme les bottes de son père, montraient des signes d'usure. La peinture s'y accrochait, en petits éclats, principalement dans les coins et par-dessous, là où elle était à l'abri. Les allées-venues ailleurs dans l'escalier envoyait pulser la poussière en petits nuages. Holston pouvait sentir les vibrations de la rampe, qui était usée jusqu'au métal luisant. Cela l'étonnait toujours : comment des siècles de paumes nues et de pieds traînants pouvaient user l'acier solide ? Une molécule à la fois, supposait-il. Chaque vie pouvait emporter une couche entière, quand bien même si le silo emporter cette vie.
Chaque marche était légèrement enfoncée par des générations de va et viens, le bord étant arrondi comme une lèvre boudeuse. Au centre, il n'y avait presque plus aucune trace des petits losanges qui donnaient autrefois aux degrés leur adhérence. Leur absence ne pouvait être déduite que du motif situé de part et d'autre, les petites pointes pyramidales émergeant de l'acier lisse avec leurs arêtes saillantes et leurs taches de peinture.
Holston hissait sa vieille botte sur une vieille marche, s’appuyait et recommençait. Il se perdait dans la pensée de ce que les années incalculables avaient fait, l'ablation de molécules et de vies, des couches et des couches réduites en fine poussière. Et il pensa, pas pour la première fois, que ni la vie ni l'escalier n'avaient été conçus pour une telle existence. L'étroitesse de cette longue spirale, qui se faufilait dans le silo s’enroulant comme une paille dans un verre, n'avait pas été conçue pour un tel abus. Comme une grande partie de leur maison cylindrique, elle semblait avoir été conçue à d'autres fins, pour des fonctions depuis longtemps oubliées. Ce qui servait aujourd'hui de voie de circulation à des milliers de personnes, montant et descendant selon des cycles quotidiens répétitifs, semblait plus apte, du point de vue de Holston, à n'être utilisé qu'en cas d'urgence et peut-être par quelques dizaines de personnes seulement.
Un autre étage passa — une portion de dortoirs en forme de tourte. Alors que Holston gravissait les derniers niveaux, cette dernière ascension qu'il ferait jamais, les sons d'une joie enfantine pleuvaient encore plus fort d'en haut. C'était le rire de la jeunesse, des âmes qui n'avaient pas encore pris conscience de l'endroit où elles vivaient, qui ne sentaient pas encore la pression de la terre de tous les côtés, qui, dans leur esprit, n'étaient pas du tout enterrées, mais vivantes. Vivantes et inusables, qui dégoulinaient de sons joyeux dans la cage d'escalier, des sons incongrus par rapport aux actions de Holston, à sa décision et à sa détermination de sortir.
Alors qu'il s'approchait du niveau supérieur, une jeune voix s'éleva au-dessus des autres, et Holston se souvint d'avoir été un enfant dans le silo - de l'école et des jeux. À l'époque, le cylindre de béton étouffant, avec ses étages et ses étages d'appartements, d'ateliers, de jardins hydroponiques et de salles d'épuration avec leurs enchevêtrements de tuyaux, ressemblait à un vaste univers, une vaste étendue qu'on ne pourrait jamais explorer complètement, un labyrinthe dans lequel lui et ses amis pourraient se perdre à tout jamais.
Mais ces jours-là étaient éloignés de plus de trente ans. L'enfance de Holston lui semblait désormais remonter à deux ou trois époques de sa vie, à quelqu'un d'autre. Pas lui. Sa vie entière de shérif pesait lourdement sur ce passé. Et plus récemment, il y a eu cette troisième étape de sa vie - une vie secrète au-delà de l'enfance et du poste de shérif. C'était les dernières couches de lui-même réduites en poussière ; trois années passées à attendre silencieusement ce qui ne viendrait jamais, chaque jour plus long que n'importe quel mois de ses vies les plus heureuses.
En haut de l'escalier en colimaçon, la main de Holston se heurta à la rampe. La barre courbe d'acier usé s'arrêtait au moment où la cage d'escalier se déversait dans les pièces les plus larges de tout le complexe du silo : la cafétéria et le salon attenant.
*
La traduction française de Yoann Gentric & Laure Manceau pour Actes Sud FR
I
HOLSTON
Les enfants jouaient pendant que Holston montait vers sa mort ; il les entendait crier comme seuls crient les enfants heureux. Alors que leurs courses folles tonnaient au-dessus de lui, Holston prenait son temps, et chacun de ses pas se faisait pesant, méthodique, tandis qu'il tournait et tournait dans le colimaçon, ses vieilles bottes sonnant contre les marches.
Les marches, comme les bottes de son père, présentaient des signes d'usure. La peinture n'y tenait que par maigres écailles, surtout dans les coins et sur l’envers, là où elle était hors d’atteinte. Le va-et-vient ailleurs dans l'escalier faisait frémir de petits nuages de poussière. Holston sentait les vibrations dans la rampe luisante, polie jusqu’au métal. Cela l’avait toujours ébahi : comment des siècles de paumes nues et de semelles traînantes pouvaient éroder l'acier massif. Une molécule après l’autre, supposait-il. Peut-être que chaque vie en effaçait une couche pendant que le silo, lui, effaçait cette vie.
Foulée par des générations, chaque marche était légèrement incurvée, son rebord émoussé comme une lèvre boudeuse. Au milieu, il ne restait presque aucune trace de ces petits losanges dont la surface tirait jadis son adhérence. L’absence s’en déduisait seulement du motif visible de chaque côté, où de petites bosses pyramidales, aux arêtes vives et écaillées de peinture, se découpaient sur l’acier.
Holston levait sa vieille botte vers une vieille marche, appuyait sur sa jambe et recommençait. Il se perdait dans la contemplation de ce que les années sans nombres avaient fait, cette ablation de molécules et des vies, ces couches et ces couches réduites à l’état de fine poussière. Et il se dit, une fois de plus, que ni les vies ni les escaliers n’étaient faits pour ce genre d’existence. L’espace resserré de cette longue spirale, qui se déroulait dans le silo enterré comme une paille dans un verre, n’avait pas été conçu pour pareil traitement. Comme tant de choses dans leur cîte cylindrique, il semblait obéir à d’autres fins, répondre à des fonctions depuis longtemps oubliées. Ce qui servait aujourd’hui de voie de communication à des milliers de personnes, dont les montées et descentes quotidiennes se répétaient par cycles, Holston le trouvait plus propre à servir en cas d’urgence et à quelques dizaines de personnes seulement.
Il franchit un palier supplémentaire — un camembert de dortoirs. Alors qu’il gravissait les quelques étages qui restaient, pour sa toute dernière ascension, les bruits de joies enfantines se mirent à pleuvoir plus fort au-dessus de lui. C’était le rire de la jeunesse, d’êtres qui ne s’interrogeaient pas encore sur l’endroit où ils grandissaient, ne sentaient pas encore la terre presser de tous côtés, ne se sentaient pas le moins du monde enterrés, mais en vie. En vie et inusés, ils faisaient ruisseler leurs trilles heureux dans la cage d’escalier, des trilles qui s’accordaient mal aux actions d’Holston, à sa décision, à sa détermination à sortir.
Alors qu’il approchait du dernier étage, une voix juvénile résonna un ton au-dessus des autres, et il se rappela son enfance dans le silo — toutes ses heures d’écoles et de jeux…
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Ici la page du forum Philippe-Ebly.fr consacrée à ce roman.
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