Omni, le magazine de Science-fiction, le numéro de mai 1981Feu vert livre / BD

Johnny Mnemonic (1981)

Sorti en mai 1981 aux USA dans le magazine Omni.
Recueilli en avril 1986 dans Burning Chrome chez Arbor House
Traduit en français en septembre 1987 par Jean Bonnefoy dans Gravé sur chrome, aux éditions La Découverte, collection Fictions.
Réédité en poche en décembre 1990 chez J’ai Lu,
Réédité en grand format broché le 28 mars 2006 chez J’ai Lu.
Adapté en film, film adapté en roman par Terry Bisson en 1995.

De William Gibson.

(presse) Johnny est un courrier de données spécialisé dans le transport de données sensibles. Ces données sont directement imprimées dans son cerveau et cryptées de manière à ce que seul le client puisse les récupérer. Johnny a donné rendez-vous à son dernier client, Ralfi Face, au bar du Drome. Ralfi est en retard pour récupérer les centaines de mégaoctets de données qu'il a stockées dans la tête de Johnny. Seulement Ralfi a l'intention de ne pas payer, seulement décapiter Johnny et récupérer les données d'une manière non contractuelle.

Les nouvelles puis les romans de William Gibson sont toujours des réussites, mais vise à évoquer un futur désormais très proche de notre présent. Gibson est présenté comme le pape du cyberpunk, tandis que Philip K. Dick en serait le précurseur, le cyberpunk étant une littérature censée nous éblouir par ses mirages virtuels, ses super-pouvoirs obtenus par l'augmentation technologique du corps de ses héros. Les héros de Gibson peuvent être des mercenaires comme une simple fan-girl envoyée à Tokyo par son -. Les méchants sont les super-riches et leurs pions, des exécuteurs brutaux et sadiques, des savants avides, des cadres sans scrupules tels que vous pouvez en voir dans Total Recall ou Robocop de Paul Verhoeven. Une des difficultés à la lecture des récits de Gibson, outre le fait que les traductions des années 1980 peuvent facilement passer à côté du mot aujourd'hui courant comme clé (USB), c'est de correctement visualiser le récit, les personnages, les décors. Et là encore, c'est le réalisateur Ridley Scott qui en adaptant Philip K. Dick dans Blade Runner, a donné une identité graphique au cyberpunk. Johnny Mnemonic a été adapté en film sans les moyens technologiques ni le budget pour atteindre les sommets de Blade-Runner, Total Recall ou Robocop, sans oublier que le scénario de la nouvelle est trop court. Il aurait mieux valu entrelacer fusionner les nouvelles Gravé sur Chrome avec le budget nécessaire et une vision digne de ce nom. Sseule votre imagination à vous, lecteur, y parviendrait aujourd'hui.

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ImageFeu vert livre / BD

Le texte original de William Gibson (mai 1981)

JOHNNY MNEMONIC

I put the shotgun in an Adidas bag and padded it out with four pairs of tennis socks, not my style at all, but that was what I was aiming for: If they think you're crude, go technical; if they think you're technical, go crude. I'm a very technical boy. So I decided to get as crude as possible. These days, thought, you have to be pretty technical before you can even aspire to crudeness. I'd had to turn both those twelve-gauge shells from brass stock, on the lathe, and then load then myself; I'd had to dig up an old microfiche with instructions for hand-loading cartridges; I'd had to build a lever-action press to seat the primers-all very tricky. But I knew they'd work.

The meet was set for the Drome at 2300, but I rode the tube three stops past the closest platform and walked back. Immaculate procedure.

I checked myself out in the chrome siding of a coffee kiosk, your basic sharp-faced Caucasoid with a ruff of stiff, dark hair. The girls at Under the Knife were big on Sony Mao, and it was getting harder to keep them from adding the chic suggestion of epicanthic folds. It probably wouldn't fool Ralfi Face, but it might get me next to his table.

The Drome is a single narrow space with a bar down one side and tables along the other, thick with pimps and handlers and a arcane array of dealers. The Magnetic Dog Sisters were on the door that night, and I didn't relish trying to get out past them if things didn't work out.

They were two meters tall and thin as greyhounds. One was black and the other white, but aside from that they were as nearly identical as cosmetic surgery could make them. They'd been lovers for years and were bad news in the tussle. I was never quite sure which one had originally been male.

Ralfi was sitting at his usual table. Owing me a lot of money. I had hundreds of megabytes stashed in my head on an idiot/savant basis information I had no conscious access to. Ralfi had left it there. He hadn't, however, came back for it. Only Ralfi could retrieve the data, with a code phrase of his own invention. I'm not cheap to begin with, but my overtime on storage is astronomical. And Ralfi had been very scarce.

Then I'd heard that Ralfi Face wanted to put out a contract on me. So I'd arranged to meet him in the Drome, but I'd arranged it as Edward Bax, clandestine importer, late of Rio and Peking.

The Drome stank of biz, a metallic tang of nervous tension. Muscle-boys scattered through the crowd were flexing stock parts at one another and trying on this, cold grins, some of them so lost under superstructures of muscle graft that their outlines weren't really human.

Pardon me. Pardon me, friends. Just Eddie Bax here, Fast Eddie the Importer, with his professionally nondescript gym bag, and please ignore this slit, just wide enough to admit his right hand.

Ralfi wasn't alone. Eighty kilos of blond California beef perched alerty in the chair next to his, martial arts written all over him. Fast Eddie Bax was in the chair opposite them before the beef's hands were off the table. 'You black belt?' I asked eagerly. He nodded, blue eyes running an automatic scanning pattern between my eyes and my hands. 'Me too,' I said. 'Got mine here in the bag.' And I shoved my hand through the slit and thumbed the safety off. Click. 'Double twelve-gauge with the triggers wired together.'

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La traduction au plus proche

JOHNNY MNEMONIC

J'ai mis le fusil dans un sac Adidas et je l'ai calé avec quatre paires de chaussettes de tennis, ce n'est pas du tout mon style, mais c'était ce que je visais : S'ils pensent que vous êtes gros nul, jouez-la technique ; s'ils pensent que vous êtes technique, jouez-là gros nul. Je suis un garçon très technique. J'ai donc décidé d'être aussi nul que possible. De nos jours, je pense qu'il faut être assez technique avant de pouvoir aspirer à la nullité. J'avais dû tourner ces deux obus de calibre douze à partir de laiton, sur le tour, puis les charger moi-même ; j'avais dû déterrer une vieille microfiche avec des instructions pour charger les cartouches à la main ; j'avais dû construire une presse à levier pour placer les amorces — tout cela était très délicat. Mais je savais qu'elles fonctionneraient.

Le rendez-vous était fixé au Drome à 2300, mais je suis descendu du métro trois arrêts après la station la plus proche et je suis revenu à pied. Procédure impeccable.

J’ai vérifié ma mise du côté chromé d'un kiosque à café, l’eurasien typique au visage pointu, avec une touffe de cheveux noirs et raides. Les filles de Sous-le-Couteau aimaient beaucoup Sony Mao, et il était de plus en plus difficile de les empêcher de céder à la tentation chic de vous faire les yeux bridés. Ça ne tromperait probablement pas Ralfi Face, mais ça pourrait me placer à côté de sa table.

Le Drome est un espace unique et étroit, avec le bar d'un côté et les tables le long de l'autre, rempli de souteneurs, d'intermédiaires et d'une galerie de dealers. Les Sœurs Chiennes Magnétiques gardaient à la porte ce soir-là, et si les choses devaient mal tourner, l’idée d’avoir à les affronter pour sortir ne me réjouissait pas.

Elles faisaient deux mètres de haut et étaient minces comme des lévriers. L'une était noire et l'autre blanche, mais à part ça, elles étaient aussi identiques que la chirurgie esthétique pouvait les rendre. Elles étaient amantes depuis des années et elles étaient réputer vous massacrer dans une bagarre. Je n'ai jamais su exactement laquelle des deux était le mâle à l'origine.

Ralfi était assis à sa table habituelle. Il me devait beaucoup d'argent. J'avais des centaines de mégaoctets stockés dans ma tête façon idiot/savant, des informations auxquelles je n'avais pas accès consciemment. Ralfi les avait laissés là. Mais il n'était pas revenu les chercher. Seul Ralfi pouvait récupérer les données, avec une phrase de code de sa propre invention. Je ne suis pas bon marché pour commencer, mais mes heures supplémentaires sur le stockage sont astronomiques. Et Ralfi s'était fait très rare.

Puis j'avais entendu dire que Ralfi Face voulait mettre un contrat sur moi. Je lui ai donc donné rendez-vous dans la Drome, mais en tant qu'Edward Bax, importateur clandestin, anciennement basé à Rio et Pékin.

Le Drome puait le biz, un goût métallique de tension nerveuse. Les Gros-durs éparpillés dans la foule se montraient leurs muscles les uns aux autres et testaient là-dessus des sourires froids, certains d'entre eux tellement perdus sous des superstructures de greffe musculaire que leurs contours n'étaient plus vraiment humains.

Pardon. Pardon les amis. C’est Juste moi, Eddie Bax, Eddie Rapido, l'importateur, avec son sac de sport quelconque du boulot, et s'il vous plaît ignorez cette entaille, juste assez grande pour laisser passer sa main droite.

Ralfi n'était pas seul. Quatre-vingt kilos de bœuf californien blond étaient perchés sur la chaise à côté de la sienne, comme si on avait écrit partout sur lui « Champion d’arts martiaux ». Eddie Rapido Bax se retrouva sur la chaise en face d'eux avant que les mains du bœuf ne quittent la table. « T’es ceinture noire ? » je demandai avec impatience. Il hocha la tête, ses yeux bleus faisant un balayage automatique entre mes yeux et mes mains. « Moi aussi, j’ai ajouté. J'ai la mienne dans le sac. » Je glissai ma main dans l’entaille et j’enlevai la sécurité avec le pouce. Clic. « "Double calibre douze avec détentes connectées. »

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Gravé sur Chrome, le recueil de nouvelles de 1986Gravé sur Chrome, le recueil de nouvelles de 1986

La traduction de Jean Bonnefoy de 1987 ( La découverte / J’ai Lu)

JOHNNY MNEMONIC

Je glissais le fusil dans le sac Adidas, planqué sous quatre paires de chaussettes pour caler, pas du tout mon style, mais c’était le but visé : si on vous croit primaire, faites dans le technique ; si on vous croit technique, donnez dans le primaire. Moi, je suis du genre hyper-technique, alors j’avais décidé d’être le plus primaire possible. Quoique de nos jours, il faille être sacrément technicien, ne fût-ce que pour aspirer simplement à jouer les primaires. J’avais dû tourner moi-même dans un jet de laiton les douilles de 12 et les charger moi-même ; et pour se faire, aller dénicher une vieille microfiche sur la manière de remplir à la main les cartouches ; j’avais dû me bricoler une presse à balancier pour remplir les amorce — délicat, tout ça. Mais j’étais sûr que ça marcherait.

Le rendez-vous était fixé à 23. 00 au Drome, mais je descendis trois arrêts après la station la plus proche pour revenir sur mes pas à pied. Impeccable, la méthode.

Je me mirai dans la paroi latérale d’une machine à café : visage classique de Blanc, taillé à la serpe, avec une touffe de cheveux raides et noirs. A Sous-le-Scalpel, les filles ne juraient plus que par Sony Mao et ça devenait de plus en plus dur de les empêcher de vous brider pour un rien les yeux, pour faire plus chic. Ça ne tromperait sans doute pas Ralfi Face, mais ça me permettrait peut-être au moins d’approcher de sa table.

Le Drome est une salle unique, étroite — le bar d’un côté et les tables de l’autre —, bourrée de macs, d’arnaqueurs et de tout un assortiment de dealers. C’était les Sœurs Chiennes Magnétiques qui officiaient comme videuses ce soir-là, et j’appréciais modérément la perspective de devoir leur filer entre les doigts si jamais ça tournait mal. Elles faisaient deux mètres de haut et étaient élancées comme des lévriers. L’une était noire, l’autre blanche, mais à part ça, elles étaient aussi semblables que peut le permettre la chirurgie esthétique. Elles étaient amantes depuis des années et dans une bagarre, ce n’était pas la joie. Je n’ai jamais bien su laquelle des deux avait été le mâle, à l’origine.
Ralfi était installé à sa table habituelle. Il me devait un sacré paquet de fric. J’avais des centaines de méga-octets planqués dans la tête selon la technique idiot/savant, des informations auxquelles je n’avais consciemment aucun accès. Ralfi les avait laissées. Il n’était pas non plus revenu les chercher. Lui seul pouvait récupérer les données, à l’aide d’une phrase-code de son propre cru. En temps de stockage, je ne suis déjà pas bon marché mais, en cas de dépassement, mes tarifs deviennent franchement astronomiques. Et Ralfi avait eu tendance à se faire oublier.

… Et puis voilà que j’avais appris que Ralfi avait commandité un tueur pour m’éliminer. D’où mon idée d’organiser cette rencontre au Drome avec lui. Sauf qu’en l’occurrence, j’étais un certain Edward Bax, importateur clandestin, officiant naguère Rio et Pékin.

Le Drome puait le trafic : arrière-goût métallique de tension nerveuse. Des malabars éparpillés dans la foule jouaient des biceps en échangeant de minces sourires glacés et certains étaient noyés sous de telles masses de muscles greffés qu’ils n’avaient presque plus figure humaine.

Pardon. Pardon les gars. Moi, je ne suis qu’Eddie Bax, Fast Eddie, le roi de l’Import, avec son sac de sport tout bête, et non, ne faites pas attention à cette fente, tout juste assez large pour y glisser la main droite.
Ralfi n’était pas seul. Quatre-vingt kilos de bœuf californien blonds était juchés avec aisance sur la chaise voisine, un vrai catalogue d’arts martiaux.

Fast Eddie Bax s’était installé dans la chaise en face avant que l’autre bovidé ait levé les mains de la table. « Z’êtes ceinture noire ? », m’enquis-je avec curiosité. Il acquiesça, trajet machinal des yeux bleus, de mes yeux à mes mains, pour me scruter. « Moi aussi, répondis-je. J’l’ai même dans mon sac. » Et glissant la main par la fente, je relevai le cran de sûreté. Clic. « Calibre douze à double canon avec détentes couplées. »

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