La ballade du serpent et de l'oiseau chanteur, roman de 2020Feu vert livre / BD


The Hunger Games: The Ballad Of Songbirds and Snakes (2020)
Traduction du titre : Les jeux de la faim: la ballade des oiseaux chanteurs et des serpents.

Sorti aux USA en grand format le 19 mai 2020 chez SCHOLASTIC PRESS US ;
Traduit en français en mai 2020 par Guillaume Fournier pour POCKET JEUNESSE FR (grand format),
Réédité en français en poche le 19 octobre 2023.
Adapté en film sorti le 17 novembre 2023 aux USA.

De Suzanne Collins.

Pour adultes et adolescents

(Dystopie post-apocalyptique, presse) Après une longue et coûteuse guerre avec les Districts, au cours de laquelle une grande ville appelée le Capitole a été assiégée pendant plusieurs mois, le Capitole est victorieux, mais gravement endommagé. La famille Snow, autrefois riche et puissante (dont le patriarche, le général Crassus Snow, héros de guerre, a été tué au combat), est en difficulté. Le fils et héritier de Crassus, Coriolanus Snow, âgé de dix-huit ans, est déterminé à restaurer la prospérité de sa famille.

Grâce à son excellence académique, Coriolanus est choisi comme mentor pour participer au dixième anniversaire des Hunger Games. C'est la première fois que des mentors sont assignés aux tributs dans le cadre des Jeux. Coriolanus, à son grand désarroi, se voit confier la tributaire du district 12, Lucy Gray Baird. Elle est membre d'un groupe de musiciens nomades connu sous le nom de Covey. Lucy Gray attire l'attention du Capitole après avoir chanté avec défi pendant la moisson et glissé un serpent caché dans les vêtements de Mayfair, la fille cruelle du maire. Coriolanus est déterminé à faire bonne impression car son succès aux jeux lui permettra de gagner un prix en argent dont il a désespérément besoin.

***
Le texte de Suzanne Collins pour SCHOLASTIC PRESS de 2020.

Hereby it is manifest, that during the time men live without a common power to keep them all in awe, they are in that condition which is called Warre; and such a warre, as is of every man, against every man.
— Thomas Hobbes, Leviathan, 1651

The state of nature has a law of nature to govern it, which obliges every one: and reason, which is that law, teaches all mankind, who will but consult it, that being all equal and independent, no one ought to harm another in his life, health, liberty, or possessions . . .”
— John Locke, Second Treatise of Government, 1689

Man is born free; and everywhere he is in chains.
— Jean-Jacques Rousseau, The Social Contract, 1762

Sweet is the lore which Nature brings;
Our meddling intellect
Misshapes the beauteous forms of things;
— We murder to dissect.

— William Wordsworth, “The Tables Turned,” Lyrical Ballads, 1798

I thought of the promise of virtues which he had displayed on the opening of his existence, and the subsequent blight of all kindly feeling by the loathing and scorn which his protectors had manifested towards him.
— Mary Shelley, Frankenstein, 1818


PART I
“THE MENTOR”



Coriolanus released the fistful of cabbage into the pot of boiling water and swore that one day it would never pass his lips again. But this was not that day. He needed to eat a large bowl of the anemic stuff, and drink every drop of broth, to prevent his stomach from growling during the reaping ceremony. It was one of a long list of precautions he took to mask the fact that his family, despite residing in the penthouse of the Capitol’s most opulent apartment building, was as poor as district scum. That at eighteen, the heir to the once-great house of Snow had nothing to live on but his wits.

His shirt for the reaping was worrying him. He had an acceptable pair of dark dress pants bought on the black market last year, but the shirt was what people looked at. Fortunately, the Academy provided the uniforms it required for daily use. For today’s ceremony, however, students were instructed to be dressed fashionably but with the solemnity the occasion dictated. Tigris had said to trust her, and he did. Only his cousin’s cleverness with a needle had saved him so far. Still, he couldn’t expect miracles.

The shirt they’d dug from the back of the wardrobe — his father’s, from better days — was stained and yellowed with age, half the buttons missing, a cigarette burn on one cuff. Too damaged to sell in even the worst of times, and this was to be his reaping shirt? This morning he had gone to her room at daybreak, only to find both his cousin and the shirt missing. Not a good sign. Had Tigris given up on the old thing and braved the black market in some last-ditch effort to find him proper clothing? And what on earth would she possess worth trading for it? Only one thing — herself — and the house of Snow had not yet fallen that far. Or was it falling now as he salted the cabbage?

He thought of people putting a price on her. With her long, pointed nose and skinny body, Tigris was no great beauty, but she had a sweetness, a vulnerability that invited abuse. She would find takers, if she had a mind to. The idea made him feel sick and helpless and, consequently, disgusted with himself.

From deep in the apartment he heard the recording of the Capitol anthem, “Gem of Panem,” kick on. His grandmother’s tremulous soprano voice joined in, bouncing off the walls.

Gem of Panem,
Mighty city,
Through the ages, you shine anew.


As always, she was painfully off-key and slightly behind tempo. The first year of the war, she’d played the recording on national holidays for five-yearold Coriolanus and eight-year-old Tigris in order to build their sense of patriotism. The daily recital hadn’t begun until that black day when the district rebels had surrounded the Capitol, cutting it off from supplies for the remaining two years of the war. “Remember, children,” she’d say, “we are but besieged — we have not surrendered!” Then she would warble the anthem out of the penthouse window as the bombs rained down. Her small act of defiance.

We humbly kneel
To your ideal,


And the notes she could never quite hit . . .

And pledge our love to you!

Coriolanus winced a little. For a decade now, though the rebels had been silent, his grandmother had not. There were still two verses to go.

Gem of Panem,
Heart of justice,
Wisdom crowns your marble brow.


***

La traduction au plus proche.

Partant de là, il est manifeste que, tant que les hommes vivent privés d’une autorité commune qui les maintienne tous dans la terreur, ils sont dans cette condition que l’on appelle la Guerre et qui est la guerre de chacun contre chacun.
— Thomas Hobbes, Léviathan, 1651

L’état de nature a une loi naturelle pour le gouverner, qui oblige chacun: et la raison, qui est cette loi, enseigne à toute l’humanité qui aurait la volonté du moins de la respecter, qu’étant tous égaux en droits et indépendants, personne ne devrait chercher à attenter à son prochain qu’il s’agisse de sa vie, de sa santé, de sa liberté ou de ses possessions…
— John Locke, Second Traité du gouvernement civil, 1689

L’homme est né libre et partout il est dans les fers.
— Jean-Jacques Rousseau, Le Contrat Social, 1762

Douce est la sagesse que la Nature offre
Notre intellect vandale
Distord les beautés formelles des choses
— Nous tuons pour disséquer.

— William Wordsworth, Perspective inversée, Ballades lyriques, 1798

Je songeais aux vertus en germe dont il avait fait la démonstration au début de son existence, et la subséquente stérilisation de toute empathie à force des détestations et d’humiliations que ses gardiens avait manifesté à son égard.
— Mary Shelley, Frankenstein, 1818

1ère PARTIE
LE MENTOR


Coriolanus relâcha la poignée de chou dans la casserole d’eau bouillante et jura qu’un jour jamais plus ça ne passerait ses lèvres. Mais ce n’était pas ce jour-là. Il avait besoin de manger un grand bol de ce machin anémique, et boire jusqu’à la dernière goutte du breuvage, pour empêcher son estomac de gargouiller pendant la cérémonie du fauchage. C’était l’une d’une longue liste de précautions qu’il prenait pour cacher le fait que sa famille, quand bien même résidant sur l’appartement en terrasse de la plus cossue des tours d’appartement du Capitol, était aussi pauvre que la racaille des quartiers. Cela à dix-huit ans, l’héritier de la jadis superbe famille Neige n’avait plus d’autre ressource que sa perspicacité.

Sa chemise pour le fauchage le tourmentait. Il avait des pantalons sombres acceptables achetés au marché noir l’année dernière, mais le chemise était ce que les gens regardaient. Fort heureusement, l’Académie fournissait les uniformes qu’elle exigeait en temps ordinaires. Quoi qu’il en soit-, pour la cérémonie d’aujourd’hui, les étudiants avaient reçu la consigne de s’habiller avec goût mais aussi avec la solennité que l’occasion dictait. Tigris lui avait dit de lui faire confiance, et il l’avait fait. Seule l’astuce de sa cousine en matière de coutûre m’avait sauvé jusqu’à présent. Malgré tout, il ne devait pas espérer de miracles.

La chemise qu’ils avaieent déniché au fond d’une armoire – celle de son père, des jours meilleurs – était tachée et jaunie par l’âge, la moitié des boutons manquaient, une brûlure de cigarette au bout d’une manche. Trop abîmée pour être vendue même à la pire des époques, et c’était ce qui devait être sa chemise de fauchage ? Ce matin, il était entré dans sa chambre à l’aube, seulement pour découvrir que sa cousine et la chemise manquaient à l’appel. Pas un bon signe. Tigris avait-elle renoncé à réparer le haillon et s’était-elle résignée à affronter le marché noir dans un effort désespéré de lui trouver une tenue correcte ? Et qu’est-ce qu’elle aurait possédé au monde qui aurait valu d’être troqué ? Il n’y avait qu’une seule chose — son corps - et la famille Neige n’était pas encore tombée si bas. Ou l’était-elle à l’onstant même où il salait son chou ?

Il songea alors à l’idée que des gens estiment le prix de sa soeur. Avec son long nez pointu et son corps maigre, Tigris n’était pas d’une grande beauté, mais elle avait une douceur, une vulnérabilité qui incitait aux abus. Elle trouverait preneur, si elle s’y appliquait. L’idée lui donna la nausée, et le désempara, et en conséquence, le dégoûta de lui-même.

Des profondeurs de l’appartement, il entendit l’hymne enregistré du Capitol, « Le joyau de Panem », partir. Les trémolos de la voix de soprano de sa grand-mère s’y mêla, faisant trembler les murs.

Joyau de Panem,
Cité puissante,
Traversant les âges, tu resplendis.


Comme toujours, elle était douloureusement fausse et un peu en retard sur la mesure. La première année de guerre, elle avait joué l’enregistrement les jours de fête nationale à l’attention de Coriolanus, cinq ans, et Tigris, huit ans, dans le but de développer leur sens patriotique. Le récital quotidien n’avait commencé que ce jour noir où les rebels des districts avaient encerclés le Capitol, le coupant de son approvionnement les deux années durant que devait encore durer la guerre. « Souvenez-vous, les enfants, elle disait, nous sommes seulement assiégés, nous ne nous sommes pas rendus ! » Et puis elle se mettait à chanter l’hymne depuis la fenêtre de l’appartement alors que les bombes se mettaient à pleuvoir. Son idée à elle d’un défi à l’ennemi.

Genou à terre, humblement
à ton idéal,


Et les notes qu’elle n’arrivait jamais vraiment à atteindre...

Nous jurons notre amour

Coriolanus tressailit en peu. Depuis plus de dix ans maintenant, bien que les rebelles fussent réduit au silence, sa grand-mère, non. Et il y avait encore deux couplets à chanter.

Joyau de Panem,
Coeur de justice,
La sagesse ceint ton front de marbre.


***

La ballade du serpent et de l'oiseau chanteur, roman de 2020La ballade du serpent et de l'oiseau chanteur, roman de 2020

La traduction de Guillaume Fournier pour POCKET JEUNESSE FR de mai 2020.

Il est manifeste que pendant ce temps où les humains vivent sans qu’une puissance commune leur inspire à tous un respect mêlé d’effroi, leur condition est ce qu’on appelle la guerre ; et celle-ci est telle qu’elle est une guerre de chacun contre chacun.
Thomas Hobbes, Leviathan, 1651

L’état de nature est régi par une loi de la nature, à laquelle chacun est tenu d’obéir: et la raison, qui est cette loi, enseigne à tous les hommes, s’ils veulent bien la consulter, qu’étant tous égaux et indépendants, nul ne doit attenter à la vie, la santé, la liberté ou le bien d’autrui…
John Locke, Deux traités sur le gouvernement, 1690

L’homme est né libre et partout il est dans les fers.
Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social, 1762

Douce est la connaissance qu’on trouve dans la Nature ;
Notre inttelect prompt à tout régenter
Déforme la beauté qui nous entoure ;
— Nous assassinons pour disséquer.

William Wordsworth, « Les Tables renversées », Ballades lyriques, 1798

Je songeai aux promesses de vertu qu’il avait manifestées au début de sa vie, et à la suppression consécutive de tout bon sentiment chez lui par la répulsion et le mépris que ses protecteurs lui avaient témoignés.
Mary Shelley, Frankenstein, 1818

PREMIÈRE PARTIE
LE MENTOR


Corionalus plongea le chou dans une grande casserole d’eau froide et se promit qu’un jour il n’en mangerait plus jamais. Mais ce jour n’était pas encore arrivé. Il avait besoin d’avaler une bonne assiettée de ce légume anémique et de boire le bouillon jusqu’à la dernière goutte, pour empêcher son ventre de gargouiller lors de la cérémonie de la Moisson. Cela faisait partie de la longue liste de précautions qu’il devait prendre pour masquer le fait que sa famille, même si elle habitait tout en haut de l’immeuble le plus cossu du Capitole, était aussi pauvre que la racaille des districts. Et qu’à dix-huit ans l’héritier de la maison Snow, autrefois prestigieuse, ne pouvait compter que sur son intelligence pour s’en sortir.

La chemise qu’il allait mettre le préoccupait tout particulièrement. Il avait un pantalon à peu près passable, qu’il s’était procuré au marché noir l’année précédente, mais c’était la chemise qu’on regardait. Heureusement, l’Académie fournissait les uniformes de tous les jours. Pour la cérémonie, cependant, on vait recommandé aux élèves de s’habiller avec solennité. Tigris lui avait demandé de lui faire confiance, et il lui faisait confiance. Après tout, l’habileté de sa cousine avec une aiguille l’avait souvent tiré d’embarras. Pour autant, il ne fallait pas en attendre des miracles.

La chemise qu’ils avaient exhumée du fond de la penderie —celle de son père, à l’époque où ils connaissaient des jours meilleurs — était tachée, jaunie par l’âge ; il lui manquait la moitié des boutons et elle présentait une brûlure de cigarette sur la manchette. Elle n’était pas en assez bon état pour être vendue. Et dire que c’était celle qu’il porterait pour la Moisson… Ce matin-là, il s’était rendu dans la chambre de sa cousine au lever du soleil. L’oiseau s’était envolé du nid, ainsi que sa chemise. Mauvais signe. Tigris avait-elle renoncé à réparer cette vieillerie et décidé de tenter sa chance au marché noir pour lui en dégoter une plus appropriée ? Que pouvait-elle bien posséder qui ait assez de valeur pour être échangé ? Une seule chose : elle-même, et la maison Snow n’était pas tombée aussi bas. A moins que si ? se demanda-t-il en ajoutant une pincée de sel dans l’eau de cuisson.

Il s’imagina des gens fixant un prix pour sa cousine. Avec son long nez pointu et sa silhouette maigrichonne, Tigris, sans être un beauté, dégageait néanmoins une douceur, une vulnérabilité, qui incitaient aux abus. Elle trouverait preneur si elle y tenait vraiment. Cette idée le rendait malade, impuissant, et, par conséquent, dégoûté de lui-même.

À l’autre bout de l’appartement, il entendit les premières notes de l’hymne du Capitole, “Coeur de Panem”. La voix de la soprano chevrotante de sa grand-mère se joignit à la musique, résonnant entre les murs.

Coeur de Panem,
Ville glorieuse,
Tu brilles pour l’éternité.


Comme toujours, elle chantait horriblement faux et légèrement en retard sur le tempo. La première année du conflit, elle passait l’enregistrement tous les jours fériés afin de développer le patriotisme de Coriolanus et de Tigris, alors âgés respectivement de cinq et huit ans. Le récital quotidien n’avait commencé qu’en cette journée noire où les districts rebelles avaient encerclé le Capitole, bloquant son approvisionnement pendant deux ans. « Rappelez-vous, les enfants, disait-elle, nous sommes peut-être assiégés, mais nous ne sommes pas près de nous rendre ! » Après quoi elle entonnait l’hymne à pleins poumons devant la fenêtre ouverte pendant que les bombes pleuvaient à l’extérieur. Un petit geste de défi de sa part..

Genou au sol,
Nous t’honorons


Et la note qu’elle ne parvenait jamais tout à fait à atteindre ;..

Et nous te jurons fidélité!

Corionalus fit la grimace. Si les rebelles étaient réguits au silence depuis plus de dix ans maintenant, c’était loin d’être le cas de sa grand-mère. Et il restait deux couplets.

Coeur de Panem,
Phare de justice,
La sagesse pare ton front.


***