L'univers en folie, le roman de 1949
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What Mad Universe (1949)
Traduction du titre original : Quel univers de fou ?
Sorti aux USA en 1948 dans Startling Stories ;
Sorti en 1949 chez E.P Dutton US.
Traduit en français par Jean Rosenthal en novembre 1953 pour HACHETTE GALLIMARD FR collection Le Rayon fantastique.
Réédité en poche chez DENOEL FR présence du futur en 1970, 1975, février 1979, 1981, 1984, mars 1987, septembre 1995, août 1998.
Réédité en poche traduction de Jean Rosenthal révisée par Thomas Day chez FOLIO SF FR en août 2002, mai 2007, juin 2016.
De Fredric Brown.
(monde parallèle, uchronie, space opera, comédie horrifique) 10 juin 1954. Les USA lancent une fusée en direction de la Lune. Pour prouver qu'ils ont atteint leur objectif, ils ont équipé la fusée d'un dispositif accumulant l'électricité statique durant le vol, ce qui aura pour effet de libérer une énorme décharge électrique, dont le flash sera aussi visible qu'une explosion atomique. Le même soir, Keith Winston, le rédacteur en chef d'une revue de Science-fiction appartenant à un grand groupe de presse, passe la soirée dans la luxueuse villa de M. Borden, le propriétaire du dit groupe. Winston a le coup de foudre pour la jolie Betty Hadley, la rédactrice en chef d'un magazine féminin récemment entré dans le groupe, et il a osé l'embrasser sur la bouche, avec succès, avant que la belle ne s'en aille faire un discours pour lors d'un dîner d'anciennes camarades de classe - exclusivement féminin.
Ne pouvant la suivre, Winston renonce à participer au reste de la soirée, ce qui l'arrange car il doit boucler le courrier des lecteurs de son magazine. Il s'abîme donc dans le courrier d'un de ses plus grands fans, un certain Joe Dooppelberg, auquel il a posé un lapin lors de sa visite à New-York, puis s'installe pour admirer le flash annoncé de la fusée, l'esprit encore préoccupé par le courrier de Joe Dooppelberg, qui résume en fait assez correctement l'opinion de l'ensemble de ses lecteurs sur les couvertures de ses magazines. Keith Winston ne se doute pas alors qu'il va pouvoir observer l'impacte de la fusée de beaucoup plus près qu'il ne l'imaginait... Si près que l'on ne retrouvera même pas son corps sur les lieux de l'impact de la fusée, retombée sur la Terre ! Cependant, de son point de vue, il n'y a que le banc qui était sous lui qui a disparu, et puis aussi la grande villa de son patron, et il se trouve à chercher la route la plus proche pour arrêter un vieux tacot. Le conducteur, un paysan, accepte de l'emmener à Greeneville, la ville la plus proche, d'où il espère prendre le train pour New-York... Mais des tas de petits détails clochent, et le comportement des gens commence à devenir franchement dérangeant...
*
Le texte original de Fredric Brown de 1949
CHAPTER I
The Moon Rocket.
The first attempt to send a rocket to the moon, in 1952, was a failure. Probably because of a structural defect in the operating mechanism, it fell back to Earth, causing a dozen casualties. Although not containing any explosives, the rocket — in order that its landing on the moon might be observed from earth — contained a Burton potentiometer set to operate throughout the journey through space to build up a tremendous electrical potential which, when released on contact with the moon, would cause a flash several thousand times brighter than lightning — and several thousand times more disruptive. Fortunately, it came down in a thinly populated area in the Catskill foothills, landing upon the estate of a wealthy publisher of a chain of magazines. The publisher and his wife, two guests and eight servants were killed by the electrical discharge, which completely demolished the houose and felled trees for a quarter of a mile around. Only eleven bodies were found. It is presumed that one of the guests, an editor, was so near the center of the flash that his body was completely disintegrated. The next — and first successful — rocket was sent in 1953, almost a year later.
***
Keith Winton was pretty well winded when the set of tennis was over but he tried not to sow it. He hadn’t played in years and tennis — he was just realizing — is definitely a young man’s game. Not that he was old by any means — but at thirty-one you get winded unless you’ve kept in condition. Keith hadn’t. He’d had to extend himself to win that set.
“Another set? Got time?”
Betty Hadley shook her blond head.
“Fraid not, Keith. I’m going to be late now. I couldn’t have stayed this long except that Mr. Borden promised to have his chauffeur drive me to the airport at Greeneville and have me flown back to New York from there. Isn’t he a wonderful man to work for ?
“Uh-huh,” said Keith, not thinking about Mr. Borden at all.”You’ve got to get back?”
“Got to,’ she said emphatically. “It’s an alumnae dinner. My own alma mater and, not only that, but I’ve got to speak. To tell them how a love story magazine is edited’
“I could come along,” Keith suggested, « and tell them how a science-fiction book is esited. Or a horror book, for that matter — I had Bloodcurdling Tales before Borden put me on Surprising Storis. That job used to give me nightmares…”
*
La traduction au plus proche
CHAPITRE I
La fusée lunaire.
La première tentative d'envoyer une fusée sur la lune, en 1952, fut un échec. Probablement à cause d'un défaut structurel du mécanisme de pilotage, elle retomba sur Terre, faisant une douzaine de victimes. Bien que ne contenant pas d'explosifs, la fusée — afin que son atterrissage sur la Lune puisse être observé depuis la Terre — contenait un potentiomètre Burton réglé pour fonctionner tout au long de son voyage dans l'espace afin d'accumuler un énorme potentiel électrique qui, lorsqu'il serait libéré au contact de la Lune, provoquerait un éclair plusieurs milliers de fois plus brillant que la foudre — et plusieurs milliers de fois plus destructeur. Heureusement, il tomba dans une zone peu peuplée des contreforts de Catskill, sur la propriété d'un riche éditeur d'une gamme de magazines. L'éditeur et sa femme, deux invités et huit domestiques furent tués par la décharge électrique, qui détruisit complètement la maison et abattit les arbres sur un quart de mile à la ronde. Seuls onze corps furent retrouvés. On suppose que l'un des invités, un directeur de publication, se trouvait si près du centre de l'éclair que son corps fut complètement désintégré. La fusée suivante — et la première réussite — fut lancée en 1953, presque un an plus tard.
***
Keith Winton était plutôt très essoufflé à la fin de la partie de tennis, mais il essaya de ne pas le montrer. Il n'avait pas joué depuis des années et le tennis — il venait de s'en rendre compte — était définitivement un sport de jeune homme. Non pas qu'il fût vieux, mais à trente et un ans, on s'essouffle si on n'est pas en bonne condition physique. Ce n'était pas le cas de Keith. Il avait dû se dépasser pour gagner ce set.
« Un autre set ? Tu as le temps ? »
Betty Hadley secoua sa tête blonde.
« J'ai peur que non, Keith. Je vais être en retard maintenant. Je n'aurais pas pu rester aussi longtemps sauf que M. Borden a promis que son chauffeur me conduirait à l'aéroport de Greeneville et que prendrai l'avion pour New York de là. N’est-il pas un homme merveilleux pour qui travailler ?
« Uh-huh", répondit Keith, en ne pensant pas du tout à M. Borden. Tu dois vraiment rentrer ?
— Vraiment, je le dois", répondit-elle avec emphase. "C'est un dîner d'anciennes élèves. Ma propre alma mater et, en plus de cela, je dois faire un discours. Pour leur raconter comment on édite un magazine d'histoires d'amour.
— Je pourrais venir avec toi", suggera Keith, et leur raconter comment un livre de science-fiction est édité. Ou un livre d'horreur, d'ailleurs — j'avais Contes à glacer le sang avant que Borden ne me mette sur Histoires surprenantes. Ce travail me donnait des cauchemars..."
*
La traduction de Jacques Papy pour Denoël de 1970
LE GRAND ECLAIR
La première tentative pour envoyer une fusée sur la Lune, en 1954, se solda par un échec. Par suite sans doute d’un défaut de construction de l’appareil, la fusée retomba sur la Terre, tuant douze personnes. Pour permettre en effet d’observer depuis la Terre son arrivée sur la Lune, la fusée était munie, non pas d’une charge explosive, mais d’un potentiomètre Burton qui devait fonctionner durant tout le voyage à travers l’espace et accumuler un formidable potentiel électrique qui, en se déchargeant au contact de la Lune, produirait un éclair plusieurs milliers de fois plus brillant que celui de la foudre, et d’une force destructrice plusieurs milliers de fois supérieure.
Par bonheur, la fusée retomba dans une région faiblement peuplée des Catskill, dans la propriété d’un riche directeur de journaux. Celui-ci, sa femme, deux invités et huit domestiques furent tués par la décharge électrique qui anéantit totalement la maison et abattit les arbres à cinq cents mètres à la ronde. On ne retrouva que onze corps. On suppose qu’un des invités, un journaliste, se trouvait si près du centre de la déflagration que son corps fut complètement désintégré.
Une autre fusée, qui arriva à bon port, celle-là, fut lancée un an plus tard, en 1955.
Keith Winton était passablement essouflé à la fin du set, mais il fit de son mieux pour ne rien montrer. Il n’avait pas joué depuis des années, et le tennis, il s’en rendait bien compte, était un jeu de jeune homme. Non certes qu’il ne fût vieux, mais à trente et un ans, on s’essouffle si on manque d’entraînement. Et Keith en manquait : il lui avait fallu se surpasser pour enlever ce set.
Il s’imposa un nouvel effort, pour sauter par-dessus le filet et rejoindre la jeune fille qu’il venait de battre. Il haletait un peu, mais réussit à lui sourire.
« Un autre set ? Vous avez le temps ? »
Betty Hadley secoua sa tête blonde. « J’ai bien peur que non, Keith. Je me mettrais en retard. Je n’aurais déjà pas pu rester si longtemps si M. Borden ne m’avait pas promis de me faire conduire jusqu’à l’aéroport par son chauffeur et de m’offrir le retour jusqu’à New-York en avion. Vous ne trouvez pas que c’est merveilleux de travailler pour un homme pareil ?
— Oh ! si, si », dit Keith, qui ne pensait pas du tout à M. Borden. Vous êtes vraiment obligée de rentrer ?
— Absolument. C’est un dîner d’anciennes élèves. Et par-dessus le marché, je dois faire un speech : je vais leur expliquer comment on fait un magazine féminin.
— Je pourrais venir aussi, proposa Keith, et leur dire comment on fait un magazine d’anticipation. Ou un magazine criminel, si vous aimez mieux. C’était moi qui m’occupais d’Histoires Macabres avant que Borden ne me confie Aventures Extraordinaires. Ce travail me donnait des cauchemars.
***
L'invention de Morel, le roman de 1940
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La invención de Morel (1940)
Ici l'article sur L'invention de Morel, le téléfilm de 1967.
Ici l'article sur L'invention de Morel, le film de 1974.
Sorti en Argentine en 1940 chez EDITORIAL LOSADA AR (couverture de Norah Borges).
Traduit en français par Armand Pierhal en 1952 pour LAFFONT FR, réédité en 1978, mars 1984, mars 2001.
Réédité dans Fiction 103 en juin 1962 chez OPTA FR.
Réédité en 1974 chez EDITO-SERVICE FR.
Réédité en 1976 chez UGE FR (collection 10/18), en 1992, en juillet 1998, en mars 2009, mars 2018.
Réédité en 1992 chez 10/18 FR (traduction de Armand Pierhal).
De Adolfo Bioy Casares.
Un homme fuyant la dictature qui le poursuit pour ses opinions croit trouver refuge sur une île ayant très mauvaise réputation, et où se trouve une villa et un musée abandonné, ainsi qu'une source d'eau potable. C'est alors que débarque une petite troupe de fêtards qui semblent complètement ignorer son existence, tandis que la villa et le musée sont rouverts et retrouvent leur splendeur d'origine.
***
Le texte original de Adolfo Bioy Casares de 1940
Hoy, en esta isla, ha ocurrido un milagro. El verano se adelantó. Puse la cama cerca de la pileta de natación y estuve bañándome, hasta muy tarde. Era imposible dormir. Dos o tres minutos afuera bastaban para convertir en sudor el agua que debía protegerme de la espantosa calma. A la madrugada me despertó un fonógrafo. No pude volver al museo, a buscar las cosas. Huí por las barrancas. Estoy en los bajos del sur, entre plantas acuáticas, indignado por los mosquitos, con el mar o sucios arroyos hasta la cintura, viendo que anticipé absurdamente mi huida. Creo que esa gente no vino a buscarme; tal vez no me hayan visto. Pero sigo mi destino; estoy desprovisto de todo, confinado al lugar más escaso, menos habitable de la isla; a pantanos que el mar suprime una vez por semana.
Escribo esto para dejar testimonio del adverso milagro. Si en pocos días no muero ahogado, o luchando por mi libertad, espero escribir la Defensa ante sobrevivientes y un Elogio de Malthus. Atacaré, en esas páginas, a los agotadores de las selvas y de los desiertos; demostraré que el mundo, con el perfeccionamiento de las policías, de los documentos, del periodismo, de la radiotelefonía, de las aduanas, hace irreparable cualquier error de la justicia, es un infierno unánime para los perseguidos. Hasta ahora no he podido escribir sino esta hoja que ayer no preveía. ¡Cómo hay de ocupaciones en la isla solitaria! ¡Qué insuperable es la dureza de la madera! ¡Cuánto más grande es el espacio que el pájaro movedizo!
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La traduction au plus proche
Aujourd'hui, sur cette île, est arrivé un miracle. L'été est arrivé en avance. J'ai mis le lit à côté de la piscine et je suis resté dans l'eau jusqu'à très tard. Il était impossible de dormir. Deux ou trois minutes hors de l'eau pour convertir en sueur l'eau qui aurait dû me protéger de l'épouvantable stupeur. A l'aube, je fus réveillé par un phonographe. Je ne pouvais retourner au musée, pour récupérer mes affaires. J'ai fui vers les gorges. Je suis dans les basses terres du sud, au milieu des plantes aquatiques, assailli par les moustiques, avec la mer ou de l'eau boueuse jusqu'à la ceinture, je réalise l'anticipation absurde de ma fuite.Je me dis que ces gens ne sont pas venus m'arrêter; peut-être qu'ils ne m'ont pas vu. Mais je suis mon destin, privé de tout, retranché dans l'endroit le plus réduit, le moins habitable de l'île; dans les marécages que la mer submerge une fois par semaine.
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La traduction de Armand Pierhal de 1952 pour LAFFONT FR et toutes les autres éditions françaises
Aujourd'hui, dans cette île, s'est produit un miracle. L'été a été précoce. J'ai disposé mon lit près de la piscine et je me suis baigné jusque très tard. Impossible de dormir. Deux à trois minutes à l'air suffisaient à convertir en sueur l'eau qui devait me protéger de l'effroyable touffeur. A l'aube, un phonographe m'a réveillé. Je n'ai pas eu le temps de rechercher mes affaires au musée. J'ai fui par les ravins. Je suis dans les basses terres du sud, parmi les plantes aquatiques, exaspéré par les moustiques, avec la mer ou des ruisseaux boueux jusqu'à la ceinture, me rendant compte que j'ai précipité absurdement ma fuite. Je crois que ces gens ne sont pas venus me chercher; il se peut, même, qu'ils ne m'aient pas vu. Mais je subis mon destin: démuni de tout, je me trouve confiné dans l'endroit le plus étroit, le moins habitable de l'île, dans les marécages que la mer recouvre une fois par semaine.
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Ici la page du forum Philippe-Ebly.fr consacrée à ce roman.
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Le mystère du château maudit, le film de 1940
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The Ghost Breakers (1940)
Titre français : Le mystère du château maudit.
Traduction du titre anglais : Les Casseurs de Fantômes.
Noter que c'est la troisième adaptation filmée de la pièce de théâtre éponyme après le film de 1914 et celui de 1922, également adaptée en roman en 1915 et deux fois en pièce radiophonique en 1949 et , la quatrième sera Scared Stiff 1953.
Noter également que ce film a été plagié par Disney pour concevoir l'attraction de la Maison Hantée (The Haunted Mansion) de 1969, le film de 1998 adapté de l'attraction et son remake de 2023. The Ghost Breakers a également servi de modèle pour Ghost Busters selon Dan Aykroyd, qui voulait y ajouter les éléments de parapsychologie devenus très à la mode dans les années 1970 et début 1980.
Ne pas confondre avec la série télévisée de 2011, ou le film de 1967.
Sorti aux USA le 7 juin 1940.
Sorti en France le 9 juillet 1947.
De George Marshall, sur un scénario de Walter DeLeon, d'après la pièce de théâtre de 1909 de Paul Dickey et Charles W. Goddard ; avec Bob Hope, Paulette Goddard, Willie Best, Richard Carlson, Paul Lukas, Anthony Quinn.
Pour adultes et adolescents.
(comédie d'épouvante, mystère) Un orage et une pluie torrentielle s’abattent sur une ville de nuit (New-York). Dans une des chambres de l’hôtel, une jeune femme (Mademoiselle Carter) appelle le standardiste pour se plaindre du fait qu’il n’y a plus de lumière dans sa chambre ; puis elle réclame qu’on lui monte un moyen de s’éclairer, car elle part demain pour Cuba et elle doit encore faire ses bagages. La réponse semble être positive car la jeune femme sourit et remercie le standardiste, puis raccroche.
La jeune femme rejoint l’homme moustachu plus âgé qui fume à la fenêtre. Elle déclare que tout l’hôtel est dans l’obscurité et que l’on va leur apporter des chandelles. Le moustachu répond que toute la ville est dans l’obscurité, alors que New-York connait de nombreux orages sans panne générale. Il trouve cela très étrange. En tout cas, cela plaît à la jeune femme qui répond en souriant que c’est excitant.
Dans le couloir, un cortège de cinq garçons d’étages apportent chacun deux chandeliers et vont chacun à une porte du couloir, puis frappent à leur porte respective. Dans la chambre, la jeune femme se rend à la porte et le garçon lui remet ses deux chandeliers avec chacun leur bougie allumée, et ajoute qu’ils s’attendent à ce que l’électricité soit rétablie sous peu. La jeune femme, sans avoir remarqué l’homme qui vient de sortir de la chambre en face, remercie le garçon et assure que ce sera parfait.
L’homme, qui porte un chapeau mou, une gabardine, hèle et rattrape la jeune femme : il a un cigare à allumer, et fait remarquer qu’on se croirait à Noël. Sauf qu’un coup de tonnerre retentit tout près, et il sursaute comme la jeune femme, qui répond en riant, un peu nerveuse cependant, que ce serait plutôt un genre de 4 juillet (la fête nationale américaine).
Et comme l’inconnu approuve et tire une bouffée de son cigare enfin allumé, elle ajoute que c’est une belle nuit pour un meurtre. L’inconnu semble très surpris et demande : comment a-t-elle su ? La jeune femme répond comme si c’était la suite de la plaisanterie qu’elle ne le savait pas. Puis elle réalise et panique, pour répéter qu’elle ne le savait pas, qu’elle a seulement dit que c’en aurait été une bonne pour. Et elle rentre précipitamment dans sa chambre son chandelier à deux bougies à la main pour refermer la porte au nez de l’inconnu outré.
Elle retrouve cependant le moustachu et comme si rien n’était arrivé, elle remarque avec légèreté que la décharge d’un seul éclair aura suffit à les renvoyer au moyen-âge. Le moustachu lui répond qu’il faudra qu’elle s’habitue aux chandelles, car il n’y aura pas d’électricité sur l’Ïle Noire : le château est aujourd’hui strictement dans l’état où l’arrière-arrière-grand-père de la jeune femme l’avait construit. La jeune femme répond qu’alors le fantôme doit retrouver son chemin dans le noir ? Comme c’est déprimant !
Le moustachu constate en souriant : « Alors vous connaissez les histoires qu’on raconte à propos du Castillo Maldito (le château maudit) ? » La jeune femme explique que sa mère lui en a parlé, et aussi du Père Noël et de Blanche-Neige et ses sept nains. Elle s’assied à la petite table et le moustachu la rejoint : « Malheureusement, les légendes à propos du Château ne sont pas des contes de fées. »
Alors Mademoiselle Harris minaude : « Oh, Monsieur Havez, je crois bien que vous essayez de me décourager ! » Havez répond « Eh bien, je suppose qu’en tant que membre du consulat cubain, je me devrais de dépeindre le château comme un paradis avec palmiers ; mais en privé, je vous conseillerais plutôt de vous tenir loin de l’Île Noire. »
Miss Harris n’est pas convaincue : « Voyons, vous ne croyez tout de même pas aux fantômes ? » Havez répond, toujours urbain : « Nous sommes bien forcés d’admettre qu’il y a une délimitation quelque part entre la superstition et le surnaturel. Tout ce que je sais, c’est que durant les vingt dernières années, aucun être humain qui l’aurait tenté de passer une nuit complète dans le Castillo Maldito n’aura jamais survécu pour voir le lever du soleil. »
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Ici la page du forum Philippe-Ebly.fr consacré à ce film.
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A la poursuite des Slans, le roman de 1940
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Slan (1940)
Ce roman a obtenu rétroactivement le prix Hugo 1941.
Noter que le manga et la série animée Toward the Terra 1977 de Keiko Takemiya a plagié ce roman.
Sorti mensuellement aux USA en quatre parties dans Astounding Science-fiction de septembre à décembre 1940 ;
Réédité en grand format en 1946 chez Arkham House US.
Traduit en français par Jean Rosenthal en novembre 1954 pourt Le Rayon Fantastique GALLIMARD / HACHETTE FR, réédité chez OPTA Club du Livre d’Anticipation le 14 juin 1968 ;
Réédité en poche chez J’ai Lu en 1971, 1972, 1973, 1975, 27 septembre 1976, février 1987, 1er mars 1989, juin 1998 (couvertures de Caza), 20 octobre 2002, 20 juillet 2010, 22 septembre 2015. Réédité chez GALLIMARD Jeunesse Les Mille Soleils (couverture de Bilal)
De Alfred Elton Van Vogt.
Pour adultes et adolescents.
(presse) Jommy Cross, neuf ans, un Slan télépathe se rend avec sa mère à Centropolis, la capitale. Ils sont découverts et la mère de Jommy est tuée, tandis que Jommy s'enfuit. Jommy Cross n'est pas seulement l'héritier des brillantes inventions de son père, mais il représente le dernier espoir de la race Slan pour la sauver du génocide.
***
Le texte original de Alfred E. Van Vogt de septembre 1940 pour le magazine Astounding Science-Fiction
The first serial to win Astounding’s rare NOVA designation, van Vogt’s great story presents the tale of a superman—but a superman story such as science-fiction has never before seen!
Illustrated by Schneeman.
His mother's hand felt cold, clutching his.
Her fear, as they walked hurriedly along the street, was a quiet, swift pulsation that throbbed from her mind to his. A hundred other thoughts beat against his mind, from the crowds that swarmed by on either side, and from inside the buildings they passed. But only his mother's thoughts were clear and coherent—and afraid!
"They're following us, Jommy," her brain telegraphed. "They're not sure, but they suspect. Somebody reported us, and our house was already been raided. Jommy, if the worst comes, you know what to do; we've practiced it often enough. And, Jommy, don't be afraid, don't lose your head. You may be only nine years old, but a nine-year-old slan is as intelligent as any fifteen-year-old human being. Don’t be afraid, no matter what happens."
Don't be afraid! Easy to advise, Jommy thought, and hid the thought from her. She wouldn't like that concealment, that distorting shield between them, but there were thoughts that had to be kept back. She mustn't know he was afraid too.
*
La traduction au plus proche du texte de 1940
Le premier feuilleton à remporter la rare distinction NOVA d’Astounding, le grand récit de van Vogt’s great story présente le conte d’un surhomme—mais un récit de surhomme tel que jamais la Science-fiction n’a jamais vu auparavant !
Illustré par Schneeman.
La main de sa mère lui semblait froide, à étreindre la sienne.
Sa peur, alors qu’ils se pressaient le long de la rue, était une pulsation douce et rapide, qui palpitait depuis son esprit jusqu’au sien. Une centaine d’autres pensées cognaient contre son esprit, en provenance des foules qui grouillaient de chaque côté et depuis l’intérieur des bâtiments qu’ils dépassaient. Mais seules les pensées de sa mère étaient claires et cohérentes — et effrayées.
« Ils nous suivent, Jommy, son cerveau télégraphia. Ils n’en sont pas certains, mais ils le suspectent. Quelqu’un nous a dénoncé, et notre maison a déjà été fouillée. Jommy, si le pire se produit, tu sais quoi faire ; nous nous sommes entraînés assez souvent à ce sujet. Et, Jommy, n’ait pas peur, ne perd pas la tête. Tu as peut-être seulement neuf ans, mais un slan de neuf ans est aussi intelligent que n’importe quel être humain de quinze ans. N’aie pas peur, quoi qu’il arrive. »
N’aie pas peur! Facile à dire, pensa Jommy, et il cacha à elle cette pensée . Elle n’aurait pas aimé cette dissimulation, ce bouclier distordant entre eux, mais il y avait des pensées qui devaient être gardées pour soi. Elle ne devait pas savoir qu’il avait peur aussi.
*
Le texte de Van Vogt pour l’édition grand format de 1946.
Chapter One
His mother's hand felt cold, clutching his.
Her fear as they walked hurriedly along the street was a quiet, swift pulsation that throbbed from her mind to his. A hundred other thoughts beat against his mind, from the crowds that swarmed by on either side, and from inside the buildings they passed. But only his mother's thoughts were clear and coherent—and afraid.
"They're following us, Jommy," her brain telegraphed. "They're not sure, but they suspect. We've risked once too often coming into the capital, though I did hope that this time I could show you the old slan way of getting into the catacombs, where your father's secret is hidden. Jommy, if the worst happens, you know what to do. We've practiced it often enough. And, Jommy, don't be afraid, don't get excited. You may be only nine years old, but you're as intelligent as any fifteen-year-old human being."
Don't be afraid. Easy to advise, Jommy thought, and hid the thought from her. She wouldn't like that concealment, that distorting shield between them. But there were thoughts that had to be kept back. She mustn't know he was afraid also.
*
La traduction au plus proche du texte de 1946
Chapitre Premier
La main de sa mère lui semblait froide, à étreindre la sienne.
Sa peur, alors qu’ils se pressaient le long de la rue, était une pulsation douce et rapide, qui palpitait depuis son esprit jusqu’au sien. Une centaine d’autres pensées cognaient contre son esprit, en provenance des foules qui grouillaient de chaque côté et depuis l’intérieur des bâtiments qu’ils dépassaient. Mais seules les pensées de sa mère étaient claires et cohérentes — et effrayées.
« Ils nous suivent, Jommy, son cerveau télégraphia. Ils n’en sont pas certains, mais ils le suspectent. Nous nous sommes risqué une fois de trop à aller à la capitale, bien que j’espérai cette fois pouvoir te montrer l’ancien moyen des slans pour entrer dans les catacombes, où le secret de ton père est caché. Jommy, n’ait pas peur, ne perd pas la tête. Tu as peut-être seulement neuf ans, mais un slan de neuf ans est aussi intelligent que n’importe quel être humain de quinze ans. N’aie pas peur, quoi qu’il arrive. »
N’aie pas peur! Facile à dire, pensa Jommy, et il cacha à elle cette pensée . Elle n’aurait pas aimé cette dissimulation, ce bouclier distordant entre eux, mais il y avait des pensées qui devaient être gardées pour soi. Elle ne devait pas savoir qu’il avait peur aussi.
*
La traduction française de Jean Rosenthal de 1954.La traduction française de Jean Rosenthal de 1954.
1
Il sentit la main glacée de sa mère étreindre son poignet.
Ils marchaient d’un pas vif dans la rue et les ondes de peur passaient en vagues rapides du cerveau de sa mère jusque dans le sien. Mille autres idées venaient battre son esprit, pensées des passants qu’ils croisaient ou des occupants des maisons devant lesquelles ils passaient. Mais seules les pensées de sa mère lui parvenaient claires et cohérentes… et hantée par la peur.
« Ils nous suivent, Jommy, transmit le cerveau maternel. Ils ne sont pas sûrs, mais ils ont des soupçons. Nous sommes revenus une fois de trop dans la capitale. J’espérais pourtant bien aujourd’hui te montrer le vieux passage slan qui mène aux catacombes, où ton père a enfoui son secret. Enfin, Jommy, si le pire se produit, tu sais ce qu’il faut dire. Nous avons fait suffisamment de répétitions. Et, Jommy, n’aie pas peur, ne t’énerve pas. Tu n’as peut-être que neuf ans, mais tu es aussi intelligent qu’un humain de quinze ans. »
« N’aie pas peur. C’est facile à dire », songea Jommy, en s’efforçant de cacher à sa mère cette pensée. Cette dissimulation ne lui plairait pas : elle n’aimerait pas cet écran entre eux. Mais il y avait des pensées que mieux valait garder pour soi. Elle n’avait pas besoin de savoir que lui aussi avait peur.
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De peur que les ténèbres, le roman de 1939
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Lest Darkness Fall (1939)
Traduction du titre original : De peur que les ténèbres ne tombent.
Sorti en anglais dans le numéro de décembre 1939 du magazine Unknown.
Sorti en grand format relié américain version révisée en 1941 chez HENRY HOLT US.
Traduit en français en 1972 par Christian Meistermann pour MARABOUT BE ;
Réédité en février 1983 pour NEO (Nouvelles éditions Oswald) ;
Réédité en 1999 pour LES BELLES LETTRES FR collection le cabinet noir.
De Lyon Sprague de Camp.
Pour adultes et adolescents.
(fantastique, voyage dans le temps, uchronie, presse) L'archéologue américain Martin Padway visite le Panthéon de Rome en 1938. Un orage éclate, la foudre se déchaîne et il se retrouve transporté à Rome en l'an 535 de notre ère. Padway se demande d'abord s'il rêve ou s'il délire, mais il accepte rapidement son destin et entreprend de survivre.
En tant qu'archéologue, il a une connaissance suffisante des divers dispositifs utilisés avant son époque, mais après le sixième siècle, pour pouvoir les reproduire par les moyens disponibles. Il parle l'italien moderne et le latin classique, et apprend rapidement le latin vulgaire (qui était parlé à l'époque) pour communiquer efficacement. Plus important encore, Padway a lu avec beaucoup d'attention le livre de l'historien Procopius, qui a décrit la guerre même au début de laquelle Padway se trouve.
La première idée de Padway, après avoir conclu qu'il ne s'agit pas d'une illusion et qu'il se trouve vraiment dans le passé, est de fabriquer un alambic en cuivre et de vendre de l'eau-de-vie pour gagner sa vie. Il persuade un banquier, Thomasus le Syrien, de lui prêter un capital de départ pour démarrer son entreprise. Il apprend à ses employés les chiffres arabes et la comptabilité à double entrée. Padway finit par mettre au point une presse à imprimer, publie un journal et construit un système de télégraphe sémaphore rudimentaire à l'aide de petits télescopes.
*
Le texte original de 1939 de Lyon Sprague de Camp, pour Unknown .
I.
TANCREDI took his hands off the wheel again and waved them. “—so I envy you, Dr. Padway. Here in Roma we have still some work to do. But pah! It is all filling in little gaps. Nothing big, nothing new. And restoration work. Building contractor’s work. Again, pah!”.
“Professor Tancredi,” said Martin Padway patiently, “as I said, I’m not a doctor. I hope to be one soon, if I can get a thesis out of this Lebanon dig.” Being himself the most cautious of drivers, his knuckles were white from gripping the side of the little Fiat, and his right foot ached from trying to shove it through the floor boards.
Tancredi snatched the week in time to avoid a lordly Isotta by the thickness of a razor blade. The Isotta went its way think dark thoughts. “Oh, what is the différence? Here everybody is a doc-tor, whether he is or not, if you understand me. And such a smart young man as you— What was I talking about?”
“That depends.” Padway closed his eyes as a pedestrian just escaped destruction. “You were talking about Etruscan inscriptions, and then about the nature of time, and then about Roman archeol—“
“Ah, yes, the nature of time. This is just a silly idea of mine, you understand. I was saying, all these people who just disappear, they have slipped back down the suitcase.”
“The what?”
“The trunk, I mean. The Trunk of the tree of time. When they stop slipping, they are back in some former time. But as soon as they do anything, they change all subsequent history.”
“Sounds like a paradox,” said Padway.
“No-o. The trunk continues to exist. But a new branch starts out where they come to rest. It has to, otherwise we would all disappear, because history would have changed and our parents might never have met.”
“That’s a thought,” said Padway. “It’s bad enough knowing the sun might become a nova, but if we’re also likely to vanish because somebody has gone back to the twelfth century and stirred things up—“
“No. That has never happened. We have never vanished, that is. You see, doc-tor? We continue to exist, but another history has been started. Perhaps there are many such, all existing somewhere. Maybe they aren’t much different from ours. Maybe the man comes to rest in the middle of the ocean. So what? The fish eat him, and things go on as before. Or they think he is mad, and shut him up or kill him. Again, not much difference. But suppose he becomes a king or a duce? What then? Are you coming to my house for dinner tomorros ? »
« Wh-what ? Why, yes, I’ll be glad to. I’m sailing next—«
« Si, si. I will show you the equations I have worked out. Energy must be conserved, even in changing one’s time. But nothing of this to my colleagues, please. You understand.” The sallow little man took his hands off the wheel to wag both forefingers at Padway. “It is a harmless eccentricity. But one’s professional reputation must not suffer.”
“Eek!” said Padway.
Trancredi jammed on the brake and skidded to a top behind a truck halted at the intersection of the Via del Mare and the Piazza Aracoeli.
“What was I talking about?” he asked.
“Harmless eccentricities,” said Padway.
*
La traduction au plus proche du texte de 1939.
I.
TANCREDI ôta ses mains du volant une fois de plus et les agita.
— … Aussi je vous envie, Docteur Padway. Ici à Rome nous avons encore un peu de travail à faire. Mais, pouah ! Tout n’est que rebouchage de petits trous. Rien de grand, rien de nouveau. Et du travail de restauration. Du travail d’entrepreneur en bâtiment. À nouveau : pouah!
— Professeur Tancredi, répondit patiemment Martin Padway, comme je le disais, je ne suis pas docteur. J’espère en être un bientôt, si j’arrive à tirer une thèse de ces fouilles au Liban.
Etant lui-même le plus prudent des conducteurs, ses phalanges étaient blanche de se cramponner à la portière de la petite Fiat, et son pied droit lui faisait mal à force de l’enfoncer au plancher.
Tancredi rattrapa le volant juste à temps pour éviter une altière Isotta Fraschini à un fil de rasoir près. L’Isotta repartit de son côté, remplie de sombres pensées.
— Oh, quelle est la différence ? Ici tout le monde est un doctore, qu’il le soit ou non, si vous me comprenez. Et un jeune homme aussi intelligent que vous… De quoi j’étais en train de parler ?
— Ça dépend.
Padway ferma les yeux comme un piéton échappait à l’instant à sa destruction. « Vous étiez en train de parler d’inscriptions étrusques, et puis de la nature du Temps, et puis d’archéologie rom…
— Ah, oui, la nature du Temps. C’est juste une de mes petites idées à moi, vous comprenez. J’étais en train de dire, tous ces gens qui disparaissent d’un coup, ils ont seulement tombé en glissant de la valise.
— De la quoi ?
— De la malle, je veux dire. Du tronc de l’arbre du Temps. Quand ils s’arrêtent de glisser, ils se retrouve en arrière, à une quelconque époque précédente. Mais aussitôt qu’ils font quoi que ce soit, ils changent toute l’Histoire subséquente.
— Ça sonne comme un paradoxe, répondit Padway.
— No-o. Le tronc continue d’exister. Mais une nouvelle branche jaillit là où ils se sont arrêtés. Il le faut, sinon nous disparaîtrions tous, parce que l’Histoire aurait eu changé et nos parents ne se seraient peut-être jamais rencontrés.
— Ça c’est une pensée rassurante, répondit Padway. C’est déjà assez stressant de savoir que le Soleil pourrait devenir une super-nova, mais si en plus nous sommes aussi susceptible de disparaître parce que quelqu’un est remonté jusqu’au douzième siècle et a un peu remué le potage…
— Non. Ça n’est jamais arrivé. Nous n’avons jamais disparus, en fait. Vous voyez, Doctore ? Nous continuons d’exister, mais une autre Histoire a commencé. Peut-être qu’il y en beaucoup de telles, existant toutes quelque part. Peut-être qu’elles ne sont pas bien différentes de la nôtre. Peut-être que l’homme est tombé au milieu de l’océan. Et alors ? Les poissons l’auront mangé, et la vie aura repris comme avant. Ou peut-être qu’on aura pensé qu’il était fou, qu’il aura été muselé ou tué. Là encore, pas vraiment de différence. Mais supposons qu’il devienne un roi ou un duce ? Quoi alors ? Est-ce que vous viendrez dîner chez moi demain soir ?
— Hein qu… quoi ? Oui, pourquoi pas, j’en serais heureux. Je prend le bateau…
— Si, si. Je vous montrerai les équations que j’ai élaborées. L’énergie doit être conservée, quand bien même on changerait son Temps. Mais pas un mot de tout ceci à mes collègues, je vous prie. Vous comprenez.
Le petit homme hâlé retira ses mains du volant pour pointer ses deux index sur Padway.
— C’est une excentricité inoffensive. Mais ma réputation professionnelle pourrait en pâtir.
— Héé ! cria Padway.
Tancredi écrasa la pédale de frein et pila juste derrière un camion arrêté à la croisée de la Via del Mare et de la Piazza Aracoeli.
— De j’étais en train de parler ? il demanda.
— D’excentricité inoffensive, répondit Padway.
*
Le texte original de 1941, — dernière révision possible 1996 — de Lyon Sprague de Camp, pour HENRY HOLT US.
CHAPTER I
TANCREDI took his hands off the wheel again and waved them. “—so I envy you, Dr. Padway. Here in Roma we have still some work to do. But pah! It is all filling in little gaps. Nothing big, nothing new. And restoration work. Building contractor’s work. Again, pah!”.
“Professor Tancredi,” said Martin Padway patiently, “as I said, I’m not a doctor. I hope to be one soon, if I can get a thesis out of this Lebanon dig.” Being himself the most cautious of drivers, his knuckles were white from gripping the side of the little Fiat, and his right foot ached from trying to shove it through the floor boards.
Tancredi snatched the week in time to avoid a lordly Isotta by the thickness of a razor blade. The Isotta went its way think dark thoughts. “Oh, what is the différence? Here everybody is a doc-tor, whether he is or not, if you understand me. And such a smart young man as you— What was I talking about?”
“That depends.” Padway closed his eyes as a pedestrian just escaped destruction. “You were talking about Etruscan inscriptions, and then about the nature of time, and then about Roman archeol—“
“Ah, yes, the nature of time. This is just a silly idea of mine, you understand. I was saying, all these people who just disappear, they have slipped back down the suitcase.”
“The what?”
“The trunk, I mean. The trunk of the tree of time. When they stop slipping, they are back in some former time. But as soon as they do anything, they change all subsequent history.”
“Sounds like a paradox,” said Padway.
“No-o. The trunk continues to exist. But a new branch starts out where they come to rest. It has to, otherwise we would all disappear, because history would have changed and our parents might never have met.”
“That’s a thought,” said Padway. “It’s bad enough knowing the sun might become a nova, but if we’re also likely to vanish because somebody has gone back to the twelfth century and stirred things up—“
“No. That has never happened. We have never vanished, that is. You see, doc-tor? We continue to exist, but another history has been started. Perhaps there are many such, all existing somewhere. Maybe they aren’t much different from ours. Maybe the man comes to rest in the middle of the ocean. So what? The fish eat him, and things go on as before. Or they think he is mad, and shut him up or kill him. Again, not much difference. But suppose he becomes a king or a duce? What then?
“Presto, we have a new history ! History is a four-dimensional web. It is a tough web. But it has weak points. The junction places— the focal points, one might say— are weak. The backslipping, if it happens, would happen at these places.”
“What do you mean by focal points?” asked Padway. It sounded to him like polysyllabic nonsense.
“Oh, places like Rome, where the world-lines of many famous events intersect. Or Istanbul. Or Babylon. You remember that archaeologist, Skrzetuski, who disappeared at Babylon in 1936 ?”
“I thought he was killed by some Arab holdup men.”
“Ah. They never found his body! Now, Rome may soon again be the intersection point of great events. That means the web is weakening again here.”
“I hope they don’t bomb the Forum,” said Padway.
“Oh, nothing like that. There will be no more great wars; everybody knows it is too dangerous. But let us not talk politics. The web, as I say, is tough. If a man did slip back, it would take a terrible lot of work to distort it. Like a fly in a spider web that fills a room.”
“Pleasant thought,” said Padway.
“Is it not, though?” Tancredi turned to grin at him, then trod frantically on the brake. The Italian leaned out and showered a pedestrian with curses.
He turned back to Padway. “Are you coming to my house for dinner tomorrow?”
*
La traduction au plus proche du texte de 1941.
CHAPITRE I
TANCREDI ôta ses mains du volant une fois de plus et les agita.
— … Aussi je vous envie, Docteur Padway. Ici à Rome nous avons encore un peu de travail à faire. Mais, pouah ! Tout n’est que rebouchage de petits trous. Rien de grand, rien de nouveau. Et du travail de restauration. Du travail d’entrepeneur en bâtiment. À nouvea : pouah!
— Professeur Tancredi, répondit patiemment Martin Padway, comme je le disais, je ne suis pas docteur. J’espère en être un bientôt, si j’arrive à tirer une thèse de ces fouilles au Liban.
Etant lui-même le plus prudent des conducteurs, ses phalanges étaient blanche de se cramponner à la portière de la petite Fiat, et son pied droit lui faisait mal à force de l’enfoncer au plancher.
Tancredi rattrapa le volant juste à temps pour éviter une altière Isotta Fraschini à un fil de rasoir près. L’Isotta repartit de son côté, remplie de sombres pensées.
— Oh, quelle est la différence ? Ici tout le monde est un doctore, qu’il le soit ou non, si vous me comprenez. Et un jeune homme aussi intelligent que vous… De quoi j’étais en train de parler ?
— Ça dépend.
Padway ferma les yeux comme un piéton échappait à l’instant à sa destruction. « Vous étiez en train de parler d’inscriptions étrusques, et puis de la nature du Temps, et puis d’archéologie rom…
— Ah, oui, la nature du Temps. C’est juste une de mes petites idées à moi, vous comprenez. J’étais en train de dire, tous ces gens qui disparaissent d’un coup, ils ont seulement tombé en glissant de la valise.
— De la quoi ?
— De la malle, je veux dire. Du tronc de l’arbre du Temps. Quand ils s’arrêtent de glisser, ils se retrouve en arrière, à une quelconque époque précédente. Mais aussitôt qu’ils font quoi que ce soit, ils changent toute l’Histoire subséquente.
— Ça sonne comme un paradoxe, répondit Padway.
— No-o. Le tronc continue d’exister. Mais une nouvelle branche jaillit là où ils se sont arrêtés. Il le faut, sinon nous disparaîtrions tous, parce que l’Histoire aurait eu changé et nos parents ne se seraient peut-être jamais rencontrés.
— Ça c’est une pensée rassurante, répondit Padway. C’est déjà assez stressant de savoir que le Soleil pourrait devenir une super-nova, mais si en plus nous sommes aussi susceptible de disparaître parce que quelqu’un est remonté jusqu’au douzième siècle et a un peu remué le potage…
— Non. Ça n’est jamais arrivé. Nous n’avons jamais disparus, en fait. Vous voyez, Doctore ? Nous continuons d’exister, mais une autre Histoire a commencé. Peut-être qu’il y en beaucoup de telles, existant toutes quelque part. Peut-être qu’elles ne sont pas bien différentes de la nôtre. Peut-être que l’homme est tombé au milieu de l’océan. Et alors ? Les poissons l’auront mangé, et la vie aura repris comme avant. Ou peut-être qu’on aura pensé qu’il était fou, qu’il aura été muselé ou tué. Là encore, pas vraiment de différence. Mais supposons qu’il devienne un roi ou un duce ? Quoi alors ?
« Presto, nous aurions une nouvelle Histoire ! L’Histoire est une toile d’araignée à quatre dimensions. C’est une toile solide. Mais elle a ses points faibles. Les points d’attache — les œils, comme on pourrait les qualifier — sont faibles. La glissade en arrière, si elle devait survenir, surviendrait en ces lieux.
— Que voulez-vous dire par ‘œils’ ? demanda Padway. Tout cela sonnait à ses oreilles comme un non-sens polysyllabique.
— Oh, des lieux comme Rome, où les lignes-monde de tellement d’évènements fameux forment des intersections. Ou Istanbul. Ou Babylon. Vous souvenez-vous de cet archéologue, Skrzetuski, qui a disparu à Babylon en 1936 ?
— Je croyais qu’il avait été tué par des bandits arabes.
— Ah. On n’a jamais retrouvé son corps ! à présent, Rome pourrait bientôt être le point d’intersection de grands évènements. Ce qui signifie que la toile se fragilise à nouveau ici.
— J’espère qu’ils ne bombarderont pas le Forum, répondit Padway.
— Oh, rien de tel. Il n’y aura plus de grandes guerres ; tout le monde sait que c’est trop dangereux. Mais ne parlons pas politique. La toile, comme je le disais, est solide. Si un homme glisse en arrière, cela prendrait énormément d’énergie pour la distordre. Comme une mouche dans une toile d’araignée qui remplirait une pièce entière.
— Agréable vision, répondit Padway.
— N’est-ce pas ? Tancredi se tourna pour lui sourire, puis il donna frénétiquement des coups de freins. L’italien se pencha par la portière et insulta copieusement un piéton.
Il se retourna vers Padway. « Est-ce que vous viendrez dîner chez moi demain soir ? »
*
La traduction de Christian Meistermann de 1972 pour MARABOUT BE, rééditée 1983 pour NEO, rééditée en 1999 pour LES BELLES LETTRES FR.
I
Les mains de Tancredi quittèrent de nouveau le volant et se mirent à s’agiter.
— … c’est pourquoi je vous envie, docteur Padway. Ici, à Rome, nous avons encore du travail. Mais, pah ! Nous ne faisons que boucher des trous. Rien de grands, rien de neuf. De la restauration. Un travail de maçon, quoi ! Ah oui, pah !
— Professeur Tancredi, dit patiemment Martin Padway, comme je vous l’ai déjà dit, je ne suis pas docteur. J’espère l’être bientôt, si j’arrive à tirer une thèse de cette fouille au Liban.
Lui-même, le plus prudent des chauffeurs, il voyait ses articulations blanchir à force de s’agripper à la cloison de la petite Fiat, comme il sentait une douleur au pied droit auquel il tentait de faire traverser le plancher.
Trancredi s’empara violemment du volant, juste à temps pour éviter une Isotta hautaine de l’épaisseur d’une lame de rasoir. L’Isotta continua son chemin en ruminant de sombres pensées.
— Oh ! quelle est la différence ? Ici, tout le monde est docteur, qu’il le soit ou non, si vous me comprenez. Et un jeune homme intelligent comme vous… De quoi étais-je en train de parler ?
— Ça dépend.
Padway ferma les yeux alors qu’un piéton venait d’échapper à l’anéantissement .
— Vous parliez d’inscriptions étrusques, et puis de la nature du temps, et puis de l’archéologie rom…
— Ah oui ! la nature du temps. Une de mes idées idiotes, vous comprenez. Je disais que tous ces gens qui ont disparu… ont glissé dans l’escalier.
— Dans quoi ?
— Le tronc, je veux dire. Le long du tronc de l’arbre du temps. Quand ils cessent de glisser, ils se retrouvent à une époque passée. Et là, dès qu’ils font quoi que ce soit, ils changent toute l’histoire postérieure.
— Ceci semble un paradoxe, dit Padway.
— No-on. Le tronc continue d’exister. Mais une nouvelle branche naït là où ils se sont arrêtés. Il le faut, autrement nous disparaîtrions tous parce que l’histoire aurait changé et que nos parents ne se seraient peut-être pas rencontrés.
— C’est une idée, dit Padway. C’est assez ennuyeux de savoir que le soleil risque de se transformer en nova, mais s’il y a aussi une probabilité pour que nous disparaissions parce que quelqu’un est retourné au XIIe siècle et a tout mi sens dessus dessous…
— Non. Ce n’est jamais arrivé. C’est-à-dire : nous n’avons jamais disparu. Voyez-vous, docteur, nous continuons d’exister, mais une autre histoire est née. Peut-être y en a-t-il beaucoup de ce genre qui existent un peu partout. Peut-être ne sont-elles pas tellement différentes de la nôtre. L’homme peut se retrouver au milieu de l’océan. Et alors quoi ? Les poissons le mangent et tout continue comme avant. Ou on pense qu’il est fou et on l’enferme, ou bien on le tue. Encore une fois, pas de grande différence. Mais supposons qu’il devienne roi ou duce. Et alors ? Presto, nous avons une nouvelle branche ! L’histoire est une toile à quatre dimensions. Une toile résistante, mais qui présente des points faibles. Les lieux de jonction — les points focaux, pourrait-on dire — sont peu solides. L’éventuel glissement en arrière se produit en ces lieux.
— Qu’entendez-vous par points focaux ? demanda Pasway qui croyait entendre du charabia pseudo-scientifique.
— Des endroits comme Rome, où les lignes mondiales de nombreux évènements célèbres, s’intersectent. Ou bien Istanbul. Ou Babylone. Vous vous souvenez de Skrzeuski, cet archéologue, qui a disparu à Babylone en 1936 ?
— Je croyais qu’il avait été tué par des bandits arabes.
— Ah ! On n’a jamais retrouvé son corps ! à présent, il se peut que bientôt Rome soit de nouveau le point d’intersection de grands évènements. Cela voudrait dire que la toile faiblirait encore ici.
— J’espère qu’ils ne bombarderont pas le Forum, dit Padway.
— Oh ! rien de la sorte. Notre duce est bien trop malin pour nous lancer dans une vraie guerre ; Mais ne parlons pas politique. La toile, disais-je, est généralement solide. Si quelqu’un retournait bel et bien dans le passé, il faudrait énormément de « travail » pour le déformer. Comme une mouche prise dans une toile d’araignée remplissant une pièce.
— C’est une aimable comparaison !
— N’est-ce pas ?
Trancredi se disposait à lui sourire, mais appuya frénétiquement sur le frein. L’italien se pencha à la fenêtre et abreuva un piéton d’injures. Puis, se retournant vers Padway :
— Voulez-vous dîner chez moi, demain ?
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