Le voleur de Bagdad, le film de 1924Feu vert cinéma

The Thief Of Bagdad (1924)

Sorti aux USA le 23 mars 1924.
Sorti en Angleterre le 12 janvier 1925.
Sorti en blu-ray américain le 19 février 2013 (multi-régions, sous-titré anglais seulement)
Sorti en blu-ray anglais le 24 novembre 2014 (région B, sous-titré anglais seulement).

De Raoul Walsh. Avec Douglas Fairbanks, Julanne Johnston, Snitz Edwards, Sôjin Kamiyama, Anna May Wong, Noble Johnson, Brandon Hurst. D'après les Mille et une nuits.

Une rue de Bagdad, la cité rêvée de l’Orient. Un homme riche qui s’abreuve à une fontaine se retrouve dépouillé de sa bourse par un voleur qui était allongé au-dessus. Le voleur tente la manœuvre une seconde fois, mais cette fois sa victime résiste et devant un garde les deux hommes se dispute : le voleur prétend que c’est sa bourse, et pour le prouver il dit ce qu’elle contient : rien du tout – car en fait il l’a déjà vidée, et le voleur repart fier de lui. Ayant une petite faim, le voleur se met en quête de quoi manger, et sentant l’odeur de gâteaux mis à refroidir sur un balcon à grande hauteur, il utilise le turban d’un dormeur, son âne et un ananas pour se hisser de manière ingénieuse jusqu’au balcon, et se servir. De là-haut il assiste au spectacle de la rue : un magicien fait monter un enfant dans un panier « magique » et commence à y enfoncer des sabres, puis le magicien fait se dresser à la verticale une corde magique d’Hispahan tissée avec des cheveux de sorcière et l’enfant réapparait en haut de la corde. Distrait par le tour, le voleur est surpris par la matrone propriétaire des gâteaux. Il saute alors au sommet de la corde et échappe donc à la colère de la dame. Sauf que le voleur veut la corde magique.

La dispute avec le magicien est interrompu par l’heure de la prière. Mais pendant que tout le monde prie, le voleur ramasse la corde et s’enfuit. Il se retrouve poursuivi à nouveau, et se cache dans un énorme vase dont il casse le fond pour s’échapper à nouveau. Puis, grâce à la corde magique, il parvient à passer une fenêtre très élevée, celle de la mosquée. Il écoute alors le prêche, et se moque, traitant le prêtre de menteur : ce qu’il veut est ici, le Paradis est le rêve d’un fou et selon lui, Allah est un mythe. Alors qu’il sort de la mosquée, voilà qu’on sonne le gong : un voleur va être fouetté publiquement pour le vol d’une pierre précieuse. Au début choqué, le voleur voit le joyau et flaire la bonne affaire. Une bousculade, et la pierre précieuse est dans sa poche. Une bague de plus volée en s’accrochant au fond d’une chaise à porteur, et le voleur rentre chez lui, dans une cachette au fond d’un puits, se vantant auprès de son associé d’avoir trouvé la corde magique.

Dans son palais, en lointaine Mongolie, un prince se fait présenter une maquette du palais du Calife de Bagdad. Sa décision est prise, Bagdad sera sienne. La prochaine lune, les courtisans pourront se présenter pour obtenir la main de la princesse de Bagdad, et c’est sous ce déguisement que le prince Mongol veut entrer dans le Califat. Et comme les vivres et les cadeaux affluent au palais en vue des réjouissances, le voleur tente d’entrer à la suite des porteurs, utilisant son comparse précipitamment emballé dans un drap pour figurer un cadeau. Mais son plan échoue : les gardes lui barrent l’entrée.

Le voleur de Bagdad (1924) photo

Le voleur de Bagdad (1924) photo

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Le voleur de Bagdad (1924) photo

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Les Nibelungens 1: La mort de Siegfried, le film de 1924Feu vert cinéma

Die Nibelungen: Siegfried (1924)
Traduction du titre original : Le peuple du Brouillard, Victor-La-Paix.

Notez qu'il existe de nombreuses versions de ce film.
La version la plus récente éditée en HD chez Eurêka n'aurait jamais été projetée telle quelle et a été reconstituée à partir de plusieurs versions et des négatifs des rushs survivants.
Noter qu'à sa première, ce film était accompagné de la musique extraite de la Tétralogie du Ring de Wagner, et non de sa musique originale.

Sorti en Allemagne le 14 février 1924.
Sorti aux USA le 23 août 1925.
Sorti en blu-ray anglais MASTERS OF CINEMA le 29 octobre 2012 (intertitres allemands sous-titrés anglais, musique originale HD MA 2.0 et HD MA 5.1).
Sorti en blu-ray américain KINO le 6 novembre 2012 (musique LPCM 2.0 ; HD MA 5.1.

De Fritz Lang (également scénariste), sur un scénario de Thea von Harbou ; avec Paul Richter, Georg John, Margarete Schön, Hanna Ralph, Theodor Loos, Hans Carl Mueller, Erwin Biswanger, Frida Richard, Bernhard Goetzke, Hans Adalbert Schlettow, Hardy von Francois, Rudolf Klein-Rogge, Grete Berger, Georg August Koch.

Siegfried, le premier chant : comment Siegfried tua le dragon.

Un arc en ciel au-dessus de la montagne. Un homme hirsute active le soufflet d’une forge tandis qu’un jeune homme blond, Siegfried, fils du Roi Siegmund, forge la lame d’une épée, épié par un vieillard hirsute et borgne, Mime le forgeron. Le jeune homme vérifie la rectitude de sa lame quand Mime vient le trouver, et examine lui-même la nouvelle lame. Puis Mime arrache la plume d’une volaille pendue au mur et la laisse tomber sur la lame, qui tranche la plume en deux.
Mime dit alors à Siegfried de rentrer chez lui à cheval à Xanten, car même lui, Mime, ne peut plus rien lui apprendre. Très fier, le jeune homme nettoie la lame, tandis que l’ouvrier hirsute quitte la caverne du forgeron. Quatre de ses congénères sont assis en face de l’entrée, l’un à moudre du grain avec une pierre, deux autres à tailler et dévorer de la viande et le dernier à la quémander. Mime sort à son tour, puis Siegfried. L’ouvrier ramène le cheval blanc de Siegfried et place un drap sur le dos de l’animal.

Comme Siegfried tranquillise son cheval, l’attention du jeune homme est attiré par le discours du plus vieux des quatre sauvages. Celui-ci parle d’une forteresse remarquable : le château de Worms sur le Rhin, où vit le roi des Burgonds. Là-bas, devant une rangée de soldats, passe une procession de jeunes filles, puis la cour et enfin le roi, et l’on sonne les cloches. Ils se rendent à une messe, et le vieux conteur vante alors la beauté de Kriemhild, la sœur du roi Gunther. Siegfried déclare alors qu’il se rendra au château et gagnera Kriemhild. Il demande que le sauvage lui montre le chemin, sans quoi il le tuera, et il l’empoigne. Mime le fait relâcher et déclare qu’il guidera lui-même Siegfried, et ils s’en vont dans la forêt le long d’en sentier encaissé. Une fois Siegfried mis sur la route, Mime le laisse et lui souhaite bonne chance. Cependant, alors que Siegfried est loin, Mime se réjouit : selon lui, jamais le jeune homme n’atteindra le château de Worms. En effet, Mime sait que sur la route de Siegfried l’attend un dragon affamé…

Les Nibelungens 1: La mort de Siegfried, le film de 1924

Les Nibelungens 1: La mort de Siegfried, le film de 1924

Les Nibelungens 1: La mort de Siegfried, le film de 1924

Les Nibelungens 1: La mort de Siegfried, le film de 1924

Les Nibelungens 1: La mort de Siegfried, le film de 1924

Les Nibelungens 1: La mort de Siegfried, le film de 1924

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La poupée sanglante, le roman de 1923

La poupée sanglante (1923)
Sous-titre : Roman d'aventure et de mystère.
Autre titre: La poupée sanglante première partie : La sublime aventure de Bénédict Masson.

Noter que ce roman a pour suite La Machine à assassiner (1923).

Ce roman a été adapté en mini-série télévisée La poupée sanglante (1976).

Sorti en France en feuilleton du 1er juillet au 9 août 1923 dans le journal LE MATIN FR.
Sorti en France le 5 avril 1924 chez TALLANDIER FR (grand format).
Sorti en France en 1948 chez RAOUL SOLAR FR.
Sorti en France en 1969 chez OPTA FR.
Sorti en France en 1970 chez ERIC LOSFELD FR.
Sorti en France en janvier 1976 chez LE LIVRE DE POCHE FR (poche).
Sorti en France le 13 février 2015 chez LRG FR.

De Gaston Leroux.

Résumé à venir.

La poupée sanglante, le roman de 1923   La poupée sanglante, le roman de 1923

La poupée sanglante, le roman de 1923   La poupée sanglante, le roman de 1923

La poupée sanglante, le roman de 1923  La poupée sanglante, le roman de 1923

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(texte original du feuilleton de 1923)

PREMIÈRE PARTIE

LA SUBLIME AVENTURE DE BENEDICT MASSON

I

DERRIÈRE LES RIDEAUX

Bénédict Masson avait sa boutique dans un des coins les plus retirés, les plus paisibles et aussi les plus vieillots de l'Ile-Saint-Louis. Bénédict Masson était relieur d'art, ce qui ne l'empêchait pas de  vendre des cartes postales et de se livrer à un petit commerce de papeterie dans ce quartier désuet, manière de province dans la capitale, qui semble défendue par sa ceinture d'eau de cette éternelle bacchanale que l'on est convenu d'appeler la vie parisienne.

Dans cette rue, dont le nom a été changé depuis et qui s'appelait - il n'y a pas bien longtemps encore - la rue du Saint-Sacrement-en-l'Isle, à l'ombre de vieux hôtels qui furent, il y a deux siècles, le rendez-vous de tous les beaux esprits, se sont ouverts, ou plutôt entrouverts une demi-douzaine de boutiques, quelques débits, un modeste magasin d'horlogerie, dans la prétention exorbitante d'y entretenir un semblant de vie... Eh bien! c'est de cette petite rue, habitée par notre relieur, c'est de ce quartier qui semblait ne devoir plus exister que par ses propres souvenirs, qu'est sortie l'une des plus prodigieuses aventures de cette époque, et à tout prendre, la plus sublime! Sublime, l'aventure de Bénédict Masson l'a été sûrement car elle fut une Date (avec un grand D) dans l'histoire de l'Humanité, mais en même temps que sublime, elle fut aussi épouvantable... et Paris, qui n'en a surtout connu que l'épouvante, en tressaille encore.

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Spur, l'éperon, la nouvelle de 1923Feu orange livre / BD

Spur 1923

Sorti aux USA en février 1923 dans le magazine mensuel Munsey de New-York US.
Réédité en 1926 dans Who Wants a Green Bottle? and Other Uneasy Tales.
 
De Tod Robbins.
 
Pour adultes et adolescents.
 
(presse) Dans un petit cirque itinérant en France, le nain Jacques est tombé amoureux de la cavalière à cru de la troupe, Jeanne Marie. Il la demande en mariage et elle accepte, car elle a appris qu'il venait de recevoir un gros héritage. Elle est réellement amoureuse de son partenaire Simon, et elle prévoit de l'épouser après ce qu'elle croit être une mort imminente pour Jacques. Lors du repas de noces, Jeanne Marie, ivre, insulte son nouveau mari en déclarant qu'elle pourrait porter son "petit singe" sur ses épaules d'un bout à l'autre de la France.

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Spur, l'éperon, la nouvelle de 1923

Le texte original de Tod Robbins de février 1923 extrait de « Who Wants a Green Bottle? ».
Domaine public.

SPUR

I.

Jacques Courbé was a romanticist. He measured only twenty-eight inches from the soles of his diminutive feet to the crown of his head; but there were times, as he rode into the arena on his gallant charger, St. Eustache, when he felt himself a doughty knight of old about to do battle for his lady.

What matter that St. Eustache was not a gallant charger except in his master’s imagination—not even a pony, indeed, but a large dog of a nondescript breed, with the long snout and upstanding aura of a wolf? What matter that M. Courbé’s entrance was invariably greeted with shouts of derisive laughter and bombardments of banana skins and orange peel? What matter that he had no lady, and that his daring deeds were severely curtailed to a mimicry of the bareback riders who preceded him? What mattered all these things to the tiny man who lived in dreams, and who resolutely closed his shoe-button eyes to the drab realities of life?

The dwarf had no friends among the other freaks in Copo’s Circus. They considered him ill-tempered and egotistical, and he loathed them for their acceptance of things as they were. Imagination was the armour that protected him from the curious glances of a cruel, gaping world, from the stinging lash of ridicule, from the bombardments of banana skins and orange peel. Without it, he must have shriveled up and died. But those others? Ah, they had no armour except their own thick hides! The door that opened on the kingdom of imagination was closed and locked to them; and although they did not wish to open this door, although they did not miss what lay beyond it, they resented and mistrusted any one who possessed the key.

Now it came about, after many humiliating performances in the arena, made palatable only by dreams, that love entered the circus tent and beckoned commandingly to M. Jacques Corbe. In an instant the dwarf was engulfed in a sea of wild, tumultuous passion.

Mlle. Jeanne Marie was a daring bareback rider. It made M. Jacques Courbé’s tiny heart stand still to see her that first night of her appearance in the arena, performing brilliantly on the broad back of her aged mare, Sappho. A tall, blonde woman of the amazon type, she had round eyes of baby blue which held no spark of her avaricious peasant’s soul, carmine lips and cheeks, large white teeth which flashed continually in a smile, and hands which, when doubled up, were nearly the size of the dwarf’s head.

Her partner in the act was Simon Lafleur, the Romeo of the circus tent—a swarthy, herculean young man with bold black eyes and hair that glistened with grease, like the back of Solon, the trained seal.

From the first performance, M. Jacques Courbé loved Mlle. Jeanne Marie. All his tiny body was shaken with longing for her. Her buxom charms, so generously revealed in tights and spangles, made him flush and cast down his eyes. The familiarities allowed to Simon Lafleur, the bodily acrobatic contacts of the two performers, made the dwarf’s blood boil. Mounted on St. Eustache, awaiting his turn at the entrance, he would grind his teeth in impotent rage to see Simon circling round and round the ring, standing proudly on the back of Sappho and holding Mlle. Jeanne Marie in an ecstatic embrace, while she kicked one shapely, bespangled leg skyward.

“Ah, the dog!” M. Jacques Courbé would mutter. “Some day I shall teach this hulking stable boy his place! Ma foi, I will clip his ears for him!”

St. Eustache did not share his master’s admiration for Mlle. Jeanne Marie. From the first he evinced his hearty detestation of her by low growls and a ferocious display of long, sharp fangs. It was little consolation for the dwarf to know that St. Eustache showed still more marked signs of rage when Simon Lafleur approached him. It pined M. Jacques Courbé to think that his gallant charger, his sole companion, his bedfellow, should not also love and admire the splendid giantess who each night risked life and limb before the awed populace. Often, when they were alone together, he would chide St. Eustache on his churlishness.

“Ah, you devil of a dog!” the dwarf would cry. “Why must you always growl and show your ugly teeth when the lovely Jeanne Marie condescends to notice you? Have you no feelings under your tough hide? Cur, she is an angel, and you snarl at her! Do you not remember how I found you, starving puppy in a Paris gutter? And now you must threaten the hand of my princess! So this is you gratitude, great hairy pig!”.

Sources : Olga Baclanova.com

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La traduction au plus proche

L’EPERON

I.
Jacques Courbé était un romantique. Il ne mesurait que soixante-dix centimètres de la plante de ses petits pieds au sommet de sa tête, mais il y avait des moments, lorsqu'il entrait dans l'arène sur son galant destrier, Saint-Eustache, où il se sentait comme un vaillant chevalier d'autrefois sur le point de livrer bataille pour sa dame.

Qu’importait que Saint-Eustache n'ait été un galant cavalier que dans l'imagination de son maître — pas même un poney, d'ailleurs, mais un gros chien d'une race indéterminée, au long museau et à l'aura de loup ? Qu'importait que l'entrée de M. Courbé n’ait été invariablement saluée par des cris de dérision et des bombardements de peaux de bananes et d'oranges ? Qu'importait qu'il n'ait pas eu de dame et que ses audaces s’en soient réduites à une mimique des cavaliers à cru qui l'avaient précédé ? Qu'importaient toutes ces choses au petit homme qui vivait dans les rêves et qui fermait résolument ses yeux en boutons de chaussures aux mornes réalités de la vie ?

Le nain n'avait pas d'amis parmi les autres monstres du cirque de Copo. Ils le considéraient comme colérique et égoïste, et il les détestait parce qu'ils acceptaient les choses telles qu'elles étaient. L'imagination était l'armure qui le protégeait des regards curieux d'un monde cruel et béant, du fouet cinglant du ridicule, des bombardements de peaux de bananes et d'écorces d'orange. Sans elle, il aurait dû se ratatiner et mourir. Mais les autres ? Ah, ils n'avaient d'autre armure que leurs propres peaux épaisses ! La porte qui s'ouvrait sur le royaume de l'imagination leur était fermée et verrouillée ; et bien qu'ils ne souhaitassent pas ouvrir cette porte, bien qu'ils ne s'attendissent pas à ce qui se trouvait au-delà, ils éprouvaient du ressentiment et de la méfiance à l'égard de quiconque en possédait la clé.

Or, après de nombreuses représentations humiliantes dans l'arène, rendues supportables seulement par les rêves, l'amour entra dans le chapiteau du cirque et fit signe à M. Jacques Corbe. En un instant, le nain fut englouti dans un océan de passion sauvage et tumultueuse.

Mlle Jeanne Marie était une audacieuse écuyère. Le petit cœur de M. Jacques Courbé s'est arrêté en la voyant, le premier soir de son apparition dans l'arène, évoluer brillamment sur le large dos de sa jument âgée, Sappho. Grande femme blonde de type amazone, elle avait des yeux ronds d'un bleu ciel qui ne laissaient rien paraître de son âme de paysanne avaricieuse, des lèvres et des joues carmines, de grandes dents blanches qui éblouissaient continuellement de son sourire, et des mains qui, poing contre poing, avaient presque la taille de la tête d'un nain.

Son partenaire dans le numéro était Simon Lafleur, le Roméo du chapiteau, un jeune homme basané, herculéen, aux yeux noirs et audacieux et aux cheveux noirs luisants de graisse, comme le dos de Solon, le phoque dressé.

Dès la première représentation, M. Jacques Courbé avait aimé Mlle Jeanne Marie. Tout son petit corps frémissait de désir pour elle. Ses charmes plantureux, si généreusement dévoilés dans les collants et les paillettes, le faisaient rougir et baisser les yeux. Les familiarités accordées à Simon Lafleur, les contacts acrobatiques corporels des deux interprètes, faisaient bouillir le sang du nain. Monté sur Saint-Eustache, attendant son tour à l'entrée, il grinçait des dents de rage impuissante en voyant Simon tourner autour du ring, se dresser fièrement sur le dos de Sappho et tenir Mlle Jeanne Marie dans une étreinte extatique, tandis qu'elle donnait des coups de pied dans le ciel avec une jambe bien galbée et couverte de paillettes.

« Ah, le chien ! marmonait M. Jacques Courbé. Un jour, j'apprendrai à ce gros lourd de garçon d'écurie à rester à sa place ! Ma foi, je lui couperai bien les oreilles !"

Saint-Eustache ne partageait pas l'admiration de son maître pour Mlle Jeanne-Marie. Dès le début, il manifesta sa profonde détestation pour elle par des grondements bas et un féroce déploiement de crocs longs et acérés. C’était une maigre consolation pour le nain de savoir que Saint-Eustache montrait des signes de rage encore plus marqués lorsque Simon Lafleur s'approchait de lui. M. Jacques Courbé se désolait à l'idée que son galant, son unique compagnon, son compagnon de lit, n'aimait pas et n'admirait pas la splendide géante qui, chaque soir, risquait sa vie et son corps devant la populace en délire. Souvent, lorsqu'ils étaient seuls ensemble, il réprimandait Saint-Eustache pour sa grossierté.

« Ah, diable de chien ! s'écriait le nain. "Pourquoi dois-tu toujours grogner et montrer tes vilaines dents quand la belle Jeanne Marie condescend à te remarquer ? N'as-tu pas de sentiments sous ta peau dure ? Cur, c'est un ange, et toi, tu lui grognes dessus ! Ne te souviens-tu pas de comment je t'ai trouvé, chiot affamé dans un caniveau de Paris ? Et maintenant, tu dois menacer la main de ma princesse ! C'est donc ça, ta reconnaissance, grand cochon poilu !".

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