World War Z, le roman de 2006Feu vert livre / BD

World War Z (2006)

Sorti aux USA le 12 septembre 2006 chez CROWN PUBLISHERS (grand format).
Traduit en français en mars 2009 par Patrick Imbert pour CALMANN-LEVY,
réédité en novembre 2010 au LIVRE DE POCHE, puis en décembre 2012, puis en mai 2013 (deux couvertures),
édition augmentée en juin 2013 chez ORBIT grand format,
réédité en édition simple en juin 2013 au LIVRE DE POCHE et en décembre 2015.
Adaptation en film qui ne reprend que le titre du roman sortie au cinéma le 21 juin 2013.

De Max Brooks.

Pour adultes et adolescents.

(Prospective, apocalypse zombie, presse) Vingt ans plus tôt, au début du XXIe siècle, un garçon du village de Dachang, en Chine est infecté. L'apparition du virus, appelé "Solanum" dans le Guide de survie des zombies, serait due à la construction du barrage des Trois Gorges. Le Politburo dissimule d'abord l'épidémie en provoquant une crise militaire avec Taïwan pour éviter de paraître faible sur la scène internationale, mais des milliers de personnes infectées propagent rapidement le virus hors de Chine par le biais de l'immigration, du trafic d'êtres humains et du commerce d'organes. Le virus se propage jusqu'au Cap, en Afrique du Sud, où se produit la première grande épidémie publique, ce qui vaut au virus d'être initialement surnommé "la rage africaine".

Un agent du Mossad publie un rapport détaillant la menace des morts-vivants et recommandant des contre-mesures, mais Israël est le seul pays à le prendre au sérieux. Les États-Unis, en particulier, sont trop confiants et distraits par l'approche des élections. Ils se contentent de déployer de petites équipes d'opérations spéciales pour contenir temporairement les épidémies isolées. Israël, quant à lui, réagit en adoptant une politique de quarantaine volontaire qui consiste à cesser d'occuper les territoires palestiniens, à évacuer Jérusalem et à construire un mur le long de la ligne de démarcation établie en 1967

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Le texte original de Max Brooks.

World War Z

INTRODUCTION

It goes by many names: "The Crisis," "The Dark Years," "The Walking Plague," as well as newer and more "hip" titles such as "World War Z" or "Z War One." I personally dislike this last moniker as it implies an inevitable "Z War Two." For me, it will always be "The Zombie War," and while many may protest the scientific accuracy of the word zombie, they will be hard-pressed to discover a more globally accepted term for the creatures that almost caused our extinction. Zombie remains a devastating word, unrivaled in its power to conjure up so many memories or emotions, and it is these memories, and emotions, that are the subject of this book.

This record of the greatest conflict in human history owes its genesis to a much smaller, much more personal conflict between me and the chairperson of the United Nation’s Postwar Commission Report. My initial work for the Commission could be described as nothing short of a labor of love. My travel stipend, my security access, my battery of translators, both human and electronic, as well as my small, but nearly priceless voice-activated transcription "pal" (the greatest gift the world’s slowest typist could ask for), all spoke to the respect and value my work was afforded on this project. So, needless to say, it came as a shock when I found almost half of that work deleted from the report’s final edition.

"It was all too intimate, " the chairperson said during one of our many "animated" discussions. "Too many opinions, too many feelings. That’s not what this report is about. We need clear facts and figures, unclouded by the human factor." Of course, she was right. The official report was a collection of cold, hard data, an objective "after-action report" that would allow future generations to study the events of that apocaluptic decade without being influenced by "the human factor." But isn’t the human factor what connects us so deeply to our past? Will future generations care as much for cheonologies and casualty statistics as they would for the personal accounts of individuals not so different from themselves? By excluding the human factor, aren’t we risking the kind of personal detachment from a history that may, heaven forbid, lead us one day to repeat it? And in the end, isn’t the human factor the only true difference between us and the enemy we now refer to as "the living dead"? I presented this argument, perhaps less professionally than was appropriate, to my "boss," who after my final exclamation of "we can’t let these stories die" responded immediately with "Then don’t. Write a book. You’ve still got all your notes, and the legal freedom to use them. Who’s stopping you from keeping these stories alive in the pages of your own (expletive deleted) book?"

Some critics will, no doubt, take issue with the concept of a personal history book so soon after the end of worldwide hostilities. After all, it has been only twelve years since VA Day was declared in the continental United States, and barely a decade since the last major world power celebrated its deliverance on "Victory in China Day." Given that most people consider VC Day to be the official end, then how can we have real perspective when, in the words of a UN colleague, "We’ve been at peace about as long as we were at war."

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La traduction au plus proche.

Guerre Mondiale Z

INTRODUCTION

Beaucoup de noms s’utilisent pour l’évoquer : « La Crise », « Les Années Ténébreuses », « La Peste Qui Marchait », ainsi que des appellations plus récentes et plus « branchés » tels que « La Zédième Guerre Mondiale » ou « La Première Guerre Z ». Je déteste personnellement ce dernier surnom, car il impliquerait qu’une « Seconde Guerre Z » serait inévitable. Pour moi, ce sera toujours « la Guerre des Zombies », et même si beaucoup contesteraient l'exactitude scientifique du terme « zombie », ils seraient bien en peine d’en trouver un meilleur mieux accepté dans le monde entier pour désigner les créatures qui ont bien failli provoquer notre extinction. « Zombie » reste un mot dévastateur, sans rival dans son pouvoir de conjurer tant de souvenirs ou d'émotions, et ce sont ces souvenirs et ces émotions qui sont le sujet de ce livre.

Ce compte rendu du plus grand conflit de l'histoire de l'humanité doit sa genèse à un conflit beaucoup plus réduit et beaucoup plus personnel qui m'opposait à la présidente au Rapport de la Commission d'après-guerre des Nations Unies. Mon travail initial pour la Commission n’aurait pu être décrit comme rien moins qu'un acte d'amour. Mon allocation de transport, mon autorisation d’accès, mon équipage de traducteurs, tant humains qu'électroniques, ainsi que mon petit, mais presque inestimable, "pote" dictaphone à reconnaissance vocale (le plus beau cadeau que l’opérateur de saisie le plus lent au monde aurait pu demander), tout cela témoignait du respect et de la valeur accordés à mon travail dans le cadre de ce projet. Alors il va sans dire à quel point je fus choqué de découvrir que près de la moitié de ce travail avait été supprimé de l’édition finale de ce rapport.

« C’était beaucoup trop intime, » la personne en poste avait déclaré au cours de l’une de nos nombreuses discussions « animée ». « Beaucoup trop d’opinions, beaucoup trop de sentiments. Ce n’est pas ce à propos de quoi est ce rapport. Nous avons besoins de faits et de chiffres clairs, dégagés du facteur humain. » Bien sûr, elle avait raison. Le rapport officiel était une collection de données froides et dures, un « rapport après action » objectif, qui permettrait aux générations futures d’étudier les évènements de cette décade apocalyptique sans être influencé par « le facteur humain. » Mais n’est-ce pas justement le facteur humain qui nous relie si profondément à notre passé ? Les générations futures auront-elles le même intérêt pour des chronologies et des statistiques de mortalité que pour des témoignages personnels d’individus pas si différents d’eux-mêmes ? En excluant le facteur humain, ne risquons-nous pas le genre d’indifférence personnelle vis-à-vis d’une Histoire qui, plaise au Ciel de l’empêcher, nous conduirait un jour à se répéter ? Et au bout du compte, n’est-ce pas le facteur humain la seule et unique vraie différence entre nous et l’ennemi qu’aujourd’hui nous appelons « la mort vivante » ? Je présentai cet argument, peut-être moins professionnellement qu’il en aurait été approprié à ma « chef, » qui après mon exclamation finale de « Nous nous pouvons pas laisser ces histoires mourir » répondit immédiatement par « Alors ne les laissez-pas. Ecrivez un livre ? Vous avez encore toutes vos notes, et la latitude légale d’en faire usage. Qui vous empêche de garder ses histoires en vie dans les pages de votre propre (explétif supprimé) livre ? »

Certains critiques, sans aucun doute, auront un problème avec le concept d’un livre personnel d’Histoire si tôt après la fin des hostilités mondiales. Après tout, cela ne fait que douze ans que le Jour de la Victoire a été déclaré sur le territoire continental des Etats-Unis, et à peine une décade depuis que la dernière grande puissance mondiale célébra sa délivrance le Jour de la Victoire en Chine ». Cela dit, la plupart des gens considèrent le Jour de la Victoire comme étant la fin officielle, mais alors comment pourrions-nous avoir un quelconque recul alors que, selon les propres mots d’un collègue de l’Organisation des Nations Unies, « Nous ne sommes en paix que depuis à peu près aussi longtemps que nous avons été en guerre. »

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World War Z, le roman de 2006

La traduction de Patrick Imbert de 2009 pour Calmann-Levy..

INTRODUCTION

On lui a donné toutes sortes de noms: la Crise, les Années noires, le Fléau rampant ; et d’autres plus modernes ou plus branchés, comme la Ze Guerre Mondiale, voire la Première Guerre Z. à titre personnel, je n’aime pas beaucoup cette dernière appellation, dans la mesure où elle implique une Seconde Guerre Z. Pour moi, cette tragédie reste avant tout la Guerre des Zombies, et si certains s’avisent à critiquer la rigueur scientifique de l’expression, je les mets au défi de trouver mieux pour désigner les créatures qui ont bien failli nous exterminer. Zombie. Un mot terrible, à la puissance d’évocation sans pareil, un mot capable de faire resurgir nos souvenirs les plus intimes, nos angoisses les plus profondes… Souvenirs et angoisses qui forment l’ossature du livre que vous tenez entre vos mains.

Cette somme historique consacrée à la plus grande guerre de tous les temps doit sa genèse à un autre genre de conflit — beaucoup moins important et bien plus personnel —, entre la responsable de la Commission post-traumatique des Nations unies (CPTNU) et moi-même. Mes études préparatoires pour ladite Commission avaient pourtant démarré sous les meilleurs auspices : salaire confortable, accréditations multiples, traducteurs nombreux et disponibles (électroniques ou humains), petit — mais inestimable — transcripteur à activation vocale (un cadeau essentiel pour le plus lent dactylo du monde), autant de signes qui montraient bien à quel point on estimait mon travail dans les hautes sphères. Inutile, donc, de vous décrire ma stupéfaction quand j’ai appris que le rapport final en sabrait près de la moitié.

« C’est beaucoup trop humain », m’a expliqué la responsable de la CPTNU lors d’une de nos nombreuses conversations « animées ». « Trop d’opinions personnelles, trop de sentimentalisme, tout ceci est hors sujet. Ce qu’il nous faut, ce sont des faits précis, des schémas clairs, débarrassés de tout pathos. » Et bien entendu, elle avait raison. Le document final devait compiler données brutes et explications détaillées, bref, un rapport officiel objectif qui permettrait aux générations futures d’étudier les événements de cette décennie apocalyptique sans s’encombrer de « pathos ». Mais n’est-ce justement pas le « pathos » — le facteur humain — qui nous relie si profondément au passé ? Les enfants de nos enfants préféreront-ils vraiment une chronologie statistique aride aux témoignages personnels et authentiques d’individus auxquels il est beaucoup plus facile de s’identifier ? En excluant le facteur humain, ne risque-t-on pas de prendre trop de recul par rapport à une histoire qui pourrait un jour — Dieu nous en préserve — se répéter ? Et, au final, n’est-ce pas précisément le facteur humain qui nous différencie de cet ennemi que nous appelons « mort-vivant » à défaut d’autre chose ? Autant d’arguments passionnés que j’ai avancés à ma responsable, peut-être moins professionnellement qu’il n’aurait fallu, avant de conclure par un déchirant « On ne va tout de même pas jeter tout ça aux oubliettes ! ». « Qui vous a demandé de tout jeter ? a-t-elle répliqué. Faites-en un livre. Vous avez encore vos notes, non ? Et toute légitimité pour vous en servir. Qu’est-ce qui vous empêche de l’écrire, ce (juron effacé) de livre ? »

Certains critiques émettront sans doute des réserves sur le principe d’un document historique publié si tôt après l’arrêt des hostilités. Douze ans à peine nous séparent du VA Days aux Etats-Unis ; et à peine dix depuis que la dernière puissance mondiale a officiellement fêté sa libération, le Victory in China Day. Beaucoup de gens considérant le VC Day comme la fin officielle du conflit, comment pouvons-nous en serait-ce qu’espérer avoir suffisamment de recul sur cette époque traumatisante ? Un collègue de l’ONU me faisait d’ailleurs remarquer que « la guerre avait duré plus longtemps que la paix ».

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Forgotten Experiment, Time Wars, le film de 2023Feu rouge cinéma

Forgotten Experiment (2023)
Autre titre : Time Wars.
Titre original : Skvoz vremya

Traduction du titre anglais : l’expérience oubliée.
Autre titre : Time Wars (Les guerres du Temps).
Titre original : Сквозь время, Skvoz vremya (à travers le temps).

Sorti en Russie le 15 juin 2023, en Allemagne le 21 juillet 2023 (VOD).
Sorti en blu-ray allemand le 28 juillet 2023,
Sorti en blu-ray français CONDOR FR le 3 octobre 2023 ;
Sorti en blu-ray américain le 10 octobre 2023.

De Alexander Boguslavsky (également scénariste), scénario de Sergey Kaluzhanov, Dmitry Zhigalov, Alexander Boguslavsky, Alexey Slushchev, Ilya Ipatov, Alexandra Primachenko ; avec Viktor Dobronravov, Egor Koreshkov, Valeriya Shkirando, Nikita Tarasov, Sofya Priss, Daniel Barnes, Egor Beroev. Tourné en langue anglaise.

Pour adultes et adolescents

(Voyage dans le temps) Une jeune femme marche avec curiosité mais fort imprudemment jusqu’à une porte donnant sur un brouillard vert dans lequel résonnent des détonations et scintillent des éclairs. Elle se retrouve à l’extérieur, alors que dans le brouillard lévite un véhicule aérien dont les canons semblent ouvrir le feu vers une cible invisible.

« Le Temps… le plus grand mystère de l’univers. C’est un moteur éternel… » Deux hommes assis confortablement dans un avion privé qui vole dans la nuit. L’un joue à un jeu de football vidéo, l’autre sirote un verre d’alcool, tandis qu’une femme blonde filme le joueur de jeu vidéo avec son téléphone, probablement celui qui parle, un barbu en costume cravate sans sa cravate, col ouvert donc : « Et désormais nous savons comment utiliser cette force : ces cinq dernières heures, nous avons volé à bord du premier avion mu par une source d’énergie super-puissante absolument nouvelle.. »

La blonde continue de filmer tout en buvant à son tour sa flûte de champagne, et le barbu poursuit : « Cette énergie, le quantanium, est produite à partir du Temps ; notre avion volera autour de la Terre à une vitesse record et nous retournerons à nos investisseurs et invités : ici avec vous, c’est le capitaine de bord, l’incroyable créateur du quantanium – moi.

Dans la nuit autour de l’avion, l’orage s’intensifie et un éclair zèbre le ciel. Un pop-up apparaît sur l’écran des commandes de pilotage de l’avion : « Attention, les commandes sont verrouillées », commenté par une voix de synthèse dans les hauts-parleurs de la cabine de pilotage : « Accès aux commandes de l’avion bloqué ; pilotage automatique engagé. »

Aussitôt, le pilote alerte les passagers : « Nous avons un problème avec le système ! », la cabine de pilotage donnant directement sur la cabine des passagers et la porte d’accès étant ouverte. Un voyant rouge s’allume, nous supposons dans la cabine de pilotage « RPM Limite ». et le pilote répète pour le cas où quelqu’un n’aurait pas encore compris : « Je ne peux pas contrôler l’avion ! »

Quelqu’un tripote alors les commandes virtuelles de l’écran tactile et à l’extérieur de l’avion, des petites décharges de plasma reculent brièvement le long de la carlingue. « Nous perdons de l’altitude et de la vitesse, le pupitre ne répond pas. Je ne peux pas contrôler le pilotage automatique, nous descendons vite ! »

Le barbu reprend : « Mesdames et Messieurs, c’est le capitaine qui vous parle : on vient de nous accorder l’opportunité unique de profiter d’une vue rapprochée de l’Océan Pacifique… Nous allons amerrir. » Et d’interpeller les autres passagers : « Pourquoi vous faites la gueule ? C’est une occasion remarquable. Regardez donc Roderick : voilà quelqu’un qui sait comment profiter du moment ! »

Le copilote à qui s’adressait la remarque, réplique, visiblement en proie à la panique : « Je vous ai déjà dit que mon nom était Ryan ! » Et la blonde d’accuser : « Ethan, tu m’avais dit que l’avion était parfaitement sûr ! » Le barbu lui répond « Et c’est vrai ! Nous sommes en sécurité tant que nous volons… »

Quant à l’associé d’Ethan, il reproche : « Je te l’avais bien dit : nous aurions dû télécommander le vol d’essai, sans équipage à bord. » Ethan lui répond : « Et nous aurions perdu l’avion à cette heure. Heureusement, j’ai une idée. »

Il entre une combinaison sur un des écrans latéraux, et abaisse une manette. Avec un claquement, les réacteurs de l’avion s’éteignent. L’associé (le frère d’Ethan, Jacob Blake) s’exclame : « qu’est-ce que c’était ? ». Ethan répond : « Je l’ai débranché. — Débranché quoi ? — L’avion. » Puis s’adressant aux pilotes : « Ted et… je sais plus qui, accorchez-vous, je vais le rallumer. »

Forgotten Experiment, Time Wars, le film de 2023

Forgotten Experiment, Time Wars, le film de 2023

Forgotten Experiment, Time Wars, le film de 2023

Forgotten Experiment, Time Wars, le film de 2023

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Bell, Book and Candle, L'adorable voisine, le film de 1958Feu vert cinéma

Bell, Book and Candle (1958)
Titre français : L'adorable voisine.

Sorti en Angleterre le 4 décembre 1958.
Sorti aux USA le 25 décembre 1958.
Sorti en France le 10 mars 1959.

Sorti en blu-ray américain TWILIGHT TIME US limité à 3000 exemplaires, épuisé.
Sorti en blu-ray espagnol RESEN ES le 5 mars 2014.
Sorti en blu-ray américain SONY US le 28 janvier 2020.
Sorti en blu-ray anglais MEDIUMRARE UK le 13 novembre 2023.

De Richard Quine, sur un scénario de Daniel Taradash, d'après la pièce de théâtre de 1950 de John Van Druten avec James Stewart, Kim Novak, Jack Lemmon, Ernie Kovacs, Hermione Gingold, Elsa Lanchester, Janice Rule, Philippe Clay.

Pour adultes et adolescents.

(Comédie romantique fantastique) New-York, la neige tombe drue tandis que les passants se pressent pour leurs préparatifs de Noël, passant sans la remarquer devant la vitrine d’une certaine Gillian Holroyd, antiquaire spécialisée dans l’art primitif de l’Afrique Océanique — la vitrine et la boutique sont remplis de fétiches de toutes tailles et formes. Une tapisserie aux frises d’antilopes blanches sur bandes rouges et noires est pendue au mur et il y a même une tête coupée en terre cuite peinte avec de courtes dreadlocks. D’autres fétiches ont encore leur barbe ou leur pagne de paille… et il y a aussi des instruments de musique, comme un tambour.

Et posé sur une étagère, tel un objet d’art comme un autre, un chat siamois aux yeux bleus clairs, qui ne tarde pas à sauter d’un seul bon depuis son poste d’observation, jusque sur l’épaule d’une jolie femme aux cheveux platines à blouse rouge, pantalon noir, qui se met à marcher le long de ses présentoirs. La femme soupire : « oh, Pye, Pye, Pyewacket, qu’est-ce qui ne va pas avec moi ? pourquoi je me sens comme ça ? C’est tellement routinier ! La même affaire jour après jour, les mêmes gens... »

Elle éteint l’éclairage d’un présentoir en abaissant un interrupteur sur le côté du présentoir. « Oh, je sais que je m’apitoie sur moi-même, mais c’est vrai. » Elle secoue la tête, puis propose : « Pourquoi tu ne m’offirais pas quelque chose pour Noël, Pye ? » Le chat siamois miaule comme pour répondre « oui » tandis qu’ils arrivent à la vitrine donnant sur la rue enneigée. Elle sourit : « Mm… qu’est-ce qui me ferait plaisir ? »

La jeune femme dépose un baiser derrière l’oreille de son chat, qui relève et miaule à nouveau, comme pour encourager d’un « oui ? » ; elle précise : « J’aimerais faire quelque chose de différent : j’aimerais rencontrer quelqu’un de différent… » et elle éteint l’éclairage d’un autre présentoir. Puis comme elle revient sur ses pas et regarde à travers la vitre, elle dit, en pointant le menton en direction de la rue : « Regarde, il y a cet homme, de l’étage d’au-dessus.

L’homme en question en manteau beige et feutre noir vient de descendre d’un taxi jaune à toit rouge, juste devant la vitrine de la jeune femme. Il aperçoit les fétiches cornus dans la vitrine et semble désapprouver, puis, comme il doit prendre la porte juste à côté, salue le grand fétiche de métal au nez d’aigle doigt à la bordure de son feutre, l’air de dire : « tu ne m’impressionnes pas ! »

Comme l’homme passe la porte de l’immeuble, il passe devant la double porte vitrée intérieure de la boutique, qui donne sur l’entrée de l’immeuble – sous les yeux de la jeune femme et de son chat. La jeune femme se retourne vers son chat et lui fait remarquer : « Lui est différent… » Elle pivote et demande encore à son chat : « Pourquoi est-ce que je ne rencontre jamais des gens comme ça ? hein ? » Puis elle ajoute : « Pourquoi tu ne me l’offrirais pas, lui, pour Noël, Pye ? » Et le chat approuve d’un miaulement bref. Mais elle répète, mais sa question ressemble désormais à un ordre : « Pourquoi tu ne me l’offres pas, lui ? »

Bell, Book and Candle, L'adorable voisine, le film de 1958

Bell, Book and Candle, L'adorable voisine, le film de 1958

Bell, Book and Candle, L'adorable voisine, le film de 1958

Image

Bell, Book and Candle, L'adorable voisine, le film de 1958

Bell, Book and Candle, L'adorable voisine, le film de 1958

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Les Trois Mousquetaires, le roman-feuilleton de 1844Feu vert livre / BD

Les Trois Mousquetaires (1844)

Publié en France en sept parties du 14 mars 1844 au 14 juillet 1844 dans le journal Le Siècle FR.
Publié en roman pour la première fois en 1849 à Paris chez ?
Réimprimé de nombreuses fois jusqu'à nos jours.

De Alexandre Dumas.

Pour adultes et adolescents.

(Aventure de cape et d’épées,) Le Royaume de France, 1626. Le jeune d’Artagnan, têtu et susceptible, monte à Paris sur un cheval jaune cadeau de son père — armé de son épée et d’une lettre de recommandation au capitaine des Mousquetaires du Roi, Monsieur de Tresville. Mais un homme lui vole la lettre en chemin, et quand D’Artagnan le revoit de la fenêtre de chez Monsieur de Tréville, il se lance à sa poursuite, froissant les susceptibilités de trois mousquetaires plus agueris que Tréville venait d’humilier devant lui.

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Le texte original de Alexandre Dumas, feuilleton de 1844 pour le journal du Siècle.

LES TROIS MOUSQUETAIRES
Préface


Dans laquelle il est établi que malgré leurs noms en os et en is, les héros de l’histoire que nous allons avoir l’honneur de raconter à nos lecteurs n’ont rien de mythologique.

Il y a un an à peu près, qu’en faisant à la Bibliothèque royale des recherches pour mon histoire de Louis XIV, je tombai par hasard sur les Mémoires de M. d’Artagnan,—imprimés, comme la plus grande partie des ouvrages de cet époque, où les auteurs tenaient à dire la vérité sans aller faire un tour plus ou moins long à la Bastille,—à Amsterdam, chez Pierre Rouge. Le titre me séduisit, je les emportai chez moi, avec la permission de M. le conservateur, bien entendu, et je les dévorai.

Mon intention n’est pas de faire ici une analyse de ce curieux ouvrage, et je me contenterai d’y renvoyer ceux de mes lecteurs qui apprécient les tableaux d’époque. Ils y trouveront des portraits crayonnés de main de maître, et quoique ces esquisses soient pour la plupart du temps tracées sur des portes de caserne, et sur des murs de cabaret, ils n’y reconnaîtront pas moin, aussi ressemblans que dans l’histoire de M. Anquetil, les images de Louis XIII, d’Anne d’Autriche, de Richelieu, de Mazarin et de la plupart des courtisans de l’époque.

Mais, comme on le sait, ce qui frappe l’esprit capricieux du poète, n’est pas toujours ce qui impressionne la masse des lecteurs. Or, tout en admirant, comme les autres les admireront sans doute, les détails que nous avons signalés, la chose, qui nous préoccupe le plus est une chose à laquelle, bien certainement, personne avant nous n’avait fait la moindre attention.

D’Artagnant raconte qu’à sa première visite à M. de Tréville, capitaine des mousquetaires du roi, il rencontra dans son antichambre trois jeunes gens servant dans l’illustre corps où il sollicitait l’honneur d’être reçu, et ayant noms Athos, Porthos et Aramis.

Nous l’avouons, ces trois noms étranges nous frappèrent, et il nous vint aussitôt à l’esprit qu’ils n’étaient que des pseudonymes, à l’aide desquels d’Artagnan avait déguisé des noms peut-être illustres, si toutefois les porteurs de ces noms d’emprunt ne les avaient pas choisis eux-même le jour où, par caprice, par mécontentement ou par défaut de fortune, ils avaient endossé la simple casaque de mousquetaires.

Dès lors nous n’eûmes plus de repos que nous n’eussions retrouvé dans les ouvrages contemporains une trace quelconque de ces noms extraordinaires qui avaient si fort éveillé notre curiosité.

Le seul catalogue des livres que nous lûmes pour arriver à ce but remplirait le feuilleton tout entier, ce qui serait peut-être fort instructif, mais à coup sûr peu amusant pour nos lecteurs. Nous nous contenterons donc de leur dire qu’au moment où, découragé de tant d’investigations infructueuses, nous allions abandonner notre recherche, nous trouvâmes enfin, guidé par les conseils de notre illustre et davant ami Paulin Pâris, un manuscrit in-folio, coté sous le n°4772 ou 4772, nous ne nous le rappelons plus bien, ayant pour titre :

« Mémoire de M. le comte de la Fère, concernant queles-uns des évènemens qui se passèrent en France vers la fin du règne du roi Louis XIII et le commencement du règne de Louis XVI. »
On devine si notre joie fut grande lorsqu’en feuilletant ce manuscrit, notre dernier espoir, nous trouvâmes à la vingtième page le nom d’Athos, à la vingt-septième le nom de Porthos, et à la trente-et-unième le nom d’Aramis.

La découverte d’un manuscrit complètemen tinconnu dans une époque où la science historique est poussée à un si haut degré, nous parut une trouvaille presque miraculeuse. Aussi nous hâtâmes-nous de solliciter la permission de le faire imprimer, dans le but de nous présenter un jour avec le bagage des autres à l’Académie des inscriptions et belles-lettres, si nous n’arrivons, chose fort probable, à entrer à l’Académie française avec notre propre bagage.

Cette permission, nous devons le dire, nous fut gracieusement accordée, ce que nous consignons ici, pour donner un démenti public aux malveillans qui prétendent que nous vivons sous un gouvernement assez médiocrement disposé à l’endroit des gens de lettres.

Or, c’est la première partie de ce précieux manuscrit que nous offrons aujourd’hui à nos lecteurs, en lui restituant le titre qui lui convient, prenant l’engagement, si, comme nous n’en doutons pas, cette première partie obtient le succès qu’elle mérite, de publier incessamment la seconde.

En attendant, comme le parrain est un second père, nous invitons nos lecteurs à s’en prendre à nous, et non au compte de La Fère, de son plaisir ou de son ennui.
Cela pesé, passons à notre histoire.

Le texte original de Alexandre Dumas, édité à Paris en 1849 chez ?

CHAPITRE PREMIER
LES TROIS PRESENTS DE MONSIEUR D’ARTAGNAN PERE.


LE premier lundi du mois d'avril 1626, le bourg de Meung, où naquit l'auteur du Roman de la Rose, semblait être dans une révolution aussi entière que si les huguenots en fussent venus faire une seconde Rochelle. Plusieurs bourgeois, voyant s'enfuir les femmes le long de la grande rue, entendant les enfants crier sur le seuil des portes, se hâtaient d'endosser la cuirasse, et appuyant leur contenance quelque peu incertaine d'un mousquet ou d'une pertuisane, se dirigeaient vers l'hôtellerie du Franc-Meunier, devant laquelle s'empressait, en grossissant de minute en minute, un groupe compacte, bruyant et plein de curiosité.

En ce temps-là les paniques étaient fréquentes, et peu de jours se passaient sans qu'une ville ou l'autre enregistrât sur ses archives quelque événement de ce genre. Il y avait les seigneurs qui guerroyaient entre eux ; il y avait le cardinal qui faisait la guerre au roi et aux seigneurs; il y avait l'Espagnol qui faisait la guerre aux seigneurs, au cardinal et au roi. Puis, outre ces guerres sourdes ou publiques, secrètes ou patentes, il y avait encore les voleurs, les mendiants, les huguenots, les loups et les laquais, qui faisaient la guerre à tout le monde. Les bourgeois s'armaient toujours contre les voleurs, contre les loups, contre les laquais ; — souvent contre les seigneurs et les huguenots; — quelquefois contre le roi ; — mais jamais contre le cardinal et l'Espagnol. Il résulta donc de ces habitudes prises, que ce susdit premier lundi du mois d'avril 1626, les bourgeois en tendant du bruit, et ne voyant ni le guidon jaune et rouge, ni la livrée du duc de Richelieu, se précipitèrent du côté de l'hôtel du Franc-Meunier.

Arrivé là, chacun put reconnaître la cause de cette rumeur.

Un jeune homme... — traçons son portrait d'un seul trait de plume : — figurez-vous don Quichotte à dix-huit ans; don Quichotte décorcelé, sans haubert et sans cuissard ; don Quichotte revêtu d'un pourpoint de laine, dont la couleur bleue s'était transformée en une nuance insaisissable de lie de vin et d'azur céleste. Visage long et brun ; la pommettedes joues saillante, signe d'astuce; les muscles maxillaires énormément développés, indice infaillible où l'on reconnaîtle Gascon, même sans béret, et notre jeune homme portait un béret orné d'une espèce de plume; l'oeil ouvert et intelligent; le nez crochu, mais finement dessiné; trop grand pour un adolescent, trop petit pour un homme fait, et qu'un œil exercé eût pris pour un fils de fermier en voyage, sans la longue épée qui, pendue à un baudrier de peau, battait les mollets de son propriétaire, quand il était à pied, et le poil hérissé de sa monture quand il était à cheval.
(…) Le même jour le jeune homme se mit en route, muni des trois présents paternels,et qui se composaient, ainsi que nous l'avons dit, de quinze écus, du cheval et de la lettre pour M. de Tréville ; commeon le pense bien, les conseils avaient été donnés pâr-dessus le marché. Avec un pareil vade mecum, Artagnan se trouva, au moral comme au physique, une copie exacte du héros dé Cervantes, auquel nous l'avons si heureusement comparé lorsque nos devoirs d'historien nous ont faitune nécessité de tracer son portrait. Don Quichotte prenait les moulins à vent pour des géants et les moutons pour des armées ; Artagnan prit chaque sourire pour une insulte et chaque regard pour une provocation. Il en résulta qu'il eut toujours le poing fermé depuis Tarbes jusqu'à Meung, et que l'un dans l'autre il porta la main au pommeau de son épée dix fois par jour; toutefois, le poing ne descendit sur aucune mâchoire, et l'épée ne sortit point du fourreau. Ce n'est pas que la vue du malencontreux bidet jaune n'épanouît bien des sourires sur les visages des passants ; mais, comme au-dessus du bidet sonnait une épée de taille respectable et qu'au-dessus de cette épée brillait un œil plutôt féroce que fier, les passants réprimaient leur hilarité, ou si l'hilarité l'emportait sur la prudence, ils tâchaientau moins de ne rire que d'un seul côté, comme les masques antiques. D'Artagnan demeura donc majestueux et intact dans sa susceptibilité jusqu'à cette malheureuse ville de Meung.

Mais là, comme il descendait de cheval à la porte du Franc-Meunier sans que personne, hôte, garçon ou palfrenier, fût venu lui tenir l'étrier, d'Artagnan avisa à une fenêtre entrouverte du rez-de-chaussée un gentilhomme de belle taille et de haute mine, quoique au visage légèrement renfrogné lequel causait avec deux personnes qui paraissaient l'écouter avec déférence. D'Artagnan crut tout naturellement, selon son habitude, être l'objet de la conversation et tendit l'oreille. Cette fois d'Artagnan ne s'était trompé qu'à moitié : ce n'était pas de lui qu'il était question, mais de son cheval. Le gentilhomme paraissait énumérer à ses auditeurs toutes les qualités de l'animal, et comme, ainsi que je l'ai dit, les auditeurs semblaient avoir une grande déférence pour le narrateur, ils éclataient de rire à tout moment. Or, comme un demi-sourire suffisait pour éveiller l'irascibilité du jeune homme, on comprend quel effet produisit sur lui tant de bruyante hilarité.

Cependant d'Artagnan voulut d'abord se rendre compte de la physionomie de l'impertinent qui se moquait de lui. Il fixa son regard fier sur l'étranger, et reconnut un homme de quarante à quarante-cinq ans, aux yeux sombres et perçants, au teint pâle, au nez fortement accentué, à la moustache noire et parfaitement taillée : il était vêtu d'un pourpoint et d'un haut-de-chausses violet avec des aiguillettes de même couleur, sans aucun ornement que les crevés habituels par lesquels passait la chemise. Ce haut-de-chausses et ce pourpoint, quoique neufs, paraissaient froissés comme le sont les habits de voyage longtemps renfermés dans un porte-manteau. D'Artagnan fit toutes ces remarques avec la rapidité de l'observateur le plus minutieux, et sans doute par un sentiment instinctif qui lui disait que cet inconnu devait avoir une grande influence sur sa vie à venir.

Or, comme au moment où d'Artagnan fixait son regard sur le gentilhomme au pourpoint violet, le gentilhomme faisait à l'endroit du bidet béarnais une de plus ses savantes et de ses plus profondes démonstrations,ses deux auditeurs éclatèrent de rire, et lui-même laissa visiblement, contre son habitude, errer, si l'on peut parler ainsi, un pâle sourire sur son visage. Cette fois, il n'y avait plus de doute : d'Artagnan était réellement insulté.

(…)

M. de Tréville, après avoir écrit la lettre, la cacheta, et se levant s'approcha du jeune hommepour la lui donner ; mais au moment même où d'Artagnan étendait la main pour la recevoir, M. de Tréville fut bien étonné de voir son protégé faire un soubresaut, rougir de colère et s'élancer hors du cabinet en criant : — Ah, sangdieu ! il ne m'échappera pas, cette —Et qui cela ? demanda M. de Tréville.

— Lui, mon voleur ! répondit d'Artagnan. Ah ! traître !

Et il disparut.

— Diable de fou ! murmura M. de Tréville. A moins toutefois, ajouta-t-il, que ce ne soit une manière adroite de s'esquiver, en voyant qu'il a manqué son coup !

CHAPITRE IV
L'ÉPAULE D'ATHOS, LE BAUDRIER DE PORTHOS
ET LE MOUCHOIR D'ARAMIS.


D'ARTAGNAN, furieux, avait traversé l'antichambre en trois bonds et s'élançait sur l'escalier, dont il comptait descendre les degrés quatre à quatre, lorsque, emporté par sa course, il alla donner tête baissée dans un mousquetaire qui sortait de chez M. de Tréville par une porte de dégagement, et le heurtant du front à l'épaule, lui fit pousser un cri ou plutôt un hurlement.

—Excusez-moi, dit d'Artagnan, essayant de reprendre sa course, excusez-moi, mais je suis pressé.

A peine avait-il descendu le premier escalier, qu'un poignet de fer le saisit par son écharpe et l'arrêta.

— Vous êtes pressé! s'écria le mousquetaire, pâle comme un linceul ; sous ce prétexte vous me heurtez, vous dites : « Excusez-moi, » et vous croyez que cela suffit? Pas tout à fait mon jeune homme. Croyez-vous, parce que vous avez entendu M. de Tréville nous parler un peu cavalièrement aujourd'hui, que l'on peut nous traiter comme il nous parle ? Détrompez-vous, compagnon; vous n'êtes pas M. de Tréville, vous.
— Ma foi, répliqua d'Artagnan, qui reconnut Athos, lequel, après le pansement opéré par le docteur, regagnait son appartement; ma foi, je ne l'ai pas fait exprès, et ne l'ayant pas fait exprès, j'ai dit : « Excusez-moi. » Il me semble donc que c'est assez. Je vous répète cependant, et cette fois c'est trop peut-être, que, parole d'honneur, je suis pressé, très pressé. Lâchez-moi donc, je vous prie, et laissez-moi aller ou j'ai affaire,
— Monsieur, dit Athos en le lâchant, vous n'êtes pas poli. On voit que vous venez de loin.

D'Artagnan avait déjà enjambé trois ou quatre degrés, mais, à la remarque d'Athos il s'arrêta court.

— Morbleu ! monsieur, dit-il, de si loin que je vienne, ce n'est pas vous qui me donnerez une leçon de belles manières, je vous en préviens.
— Peut-être, dit Athos.
— Ah ! si je n'étais pas si pressé, s'écria d'Artagnan, et si je ne courais pas après quelqu'un...
— Monsieur l'homme pressé, vous me trouverez sans courir, moi, entendez-vous ?
— Et où cela, s'il vous plaît ?
— Près des Carmes-Deschaux.
— A quelle heure?
— Vers midi.
— Vers midi, c'est bien, j'y serai.
— Tâchez de ne pas trop me faire attendre, car à midi un quart je vous préviens que c'est moi qui-courrai après vous et vous couperai les. oreilles à là course.
— Bon ! lui cria d'Artagnan ; on y sera à midi moins dix minutes.

Et il se remit à courir comme si le diable l'emportait, espérant retrouver encore son inconnu, que son pas tranquille ne devait pas avoir conduit bien loin.
Mais à la porte de la rue causait Porthos avec un soldat aux gardes. Entre les deux causeurs il y avait juste l'espace d'un homme. D'Artagnan crut que cet espace lui suffirait, et il s'élança pour passer comme une flèche entre eux deux.

Mais d'Artagnan avait compté sans le vent. Comme il allait passer, le vent s'engouffra dans le long manteau de Porthos, et d'Artagnan vint donner droit dans le manteau. Sans doute Porthos avait des raisons de ne pas abandonner cette partie essentielle de son vêtement, car, au lieu de laisser aller le pan qu'il tenait, il tira à lui, de sorte que d'Artagnan s'enroula dans le velours par un mouvement de rotation qu'explique la résistance de l'obstiné Porthos.

D'Artagnan, entendant jurer le mousquetaire, voulut, sortir de dessous le manteau qui l'aveuglait et chercha son chemin dans les plis. Il redoutait surtout d'avoir porté atteinte à la fraîcheur du magnifique baudrier que nous connaissons; mais en ouvrant timidement les yeux, il se trouva le nez collé entre les deux épaules de Porthos, c'est-à-dire précisément sur le baudrier. Hélas! comme la plupart des choses de ce monde, qui n'ont pour elles que l'apparence, le baudrier était d'or par devant et de simple buffle par derrière. Porthos, en vrai glorieux qu'il était, ne pouvant avoir un baudrier d'or tout entier, en avait au moins la moitié : on comprenait dès lors la nécessité du rhume et l'urgence du manteau.

— Vertubleu ! cria Porthos, faisant tous ses efforts pour se débarrasser de d'Artagnan qui lui grouillait dans le dos, vous êtes donc enragé, de vous jeter comme cela sur les gens !
— Excusez-moi, dit d'Artagnan, reparaissant sous l'épaule du géant, mais je suis très pressé, je cours après quelqu'un, et.... — Est-ce que vous oubliez vos yeux quand vous courez, par hasard ? demanda Porthos.
— Non, répondit d'Artagnan piqué, non, et grâce à mes yeux, je vois même ce que les autres ne voient pas.
Porthos comprit ou ne comprit pas ; toujours est-il que se laissant aller à sa colère :
— Monsieur, dit-il, vous vous ferez étriller, je vous en préviens, si vous vous frottez ainsi aux mousquetaires.
— Etriller, monsieur ? dit d'Artagnan, le mot est dur.
— C'est celui qui convientà un homme habitué à regarder en face ses ennemis.
— Ah ! pardieu, je sais bien que vous ne tournez pas le dos aux vôtres, vous.
Et le jeune homme, enchanté de son espiéglerie, s'éloigna en riant à gorge déployée.
Porthos écuma de rage et fit un mouvement pour se précipiter sur d'Artagnan.
— Plus tard, plus tard, lui cria celui-ci ; quand vous n'aurez plus votre manteau.
—A une heure donc, derrière le Luxembourg.
—Très bien, à une heure, répondit d'Artagnanen tournant l'angle de la rue.

Mais ni dans la rue qu'il venait de parcourir, ni dans celle qu'il embrassait maintenant du regard, il ne vit personne. Si doucement qu'eût marché l'inconnu, il avait gagné du chemin; peut-être aussi était-il entré dans quelque maison. D'Artagnan s'informa de lui à tous ceux qu'il rencontra;, descendit jusqu'au bac, remonta par la rue de Seine et la Croix-Rouge; mais rien ne se trouva, absolument rien. Cependant cette course lui fut profitable en ce sens qu'à mesure que la sueur inondait son front, son coeur se refroidissait.
(…)

Allons, d'Artagnan, mon ami continua-t-il, se parlant à lui-même avec toute l'aménité qu'il croyait se devoir, si tu en réchappes, ce qui n'est pas probable, il s'agit d'être a l'avenir d'une politesse parfaite. Désormais il faut qu'on t'admire, qu'on te cite comme modèle. Être prévenant et poli, ce n'est pas être lâche. Regarde plutôt Aramis : Aramis, c'est la douceur, c'est la grâce en personne. Eh bien ! quelqu'un s'est-il jamais avisé de dire qu'Aramis était un lâche ? non, bien certainement, et désormais je veux en tous points me modeler sur lui. Ah ! justement le voici.

D'Artagnan, tout en marchant et en monologuant, était arrivé à quelques pas de l'hôtel d'Aiguillon, et devant cet hôtel il avait aperçu Aramis causant gaîment avec trois gentilshommes des gardes du roi. De son côté, Aramis aperçut d'Artagnan ; mais comme il n'oubliait pas que c'était devant ce jeune homme que M. de Tréville s'était si fort emporté le matin, et qu'un témoin des reproches que les mousquetaires avaient reçus ne lui était d'aucune façon agréable, il fit semblant de ne le point voir. D'Artagnan, tout entier au contraire à ses plans de conciliation et de courtoisie, s'approcha des quatre jeunes gens en leur faisant un grand salut accompagné du plus gracieux sourire. Aramis inclina légèrement la tête, mais ne sourit point. Tous quatre, au reste interrompirent à l'instant même leur conversation.

D'Artagnan n'était pas assez niais pour ne pas s'apercevoir qu'il était de trop-; mais il n'était point encore assez rompu aux façons du beau monde pour se tirer galamment d'une situation fausse comme l'est en général celle d'un homme qui est venu se mêler à des gens qu'il connaît à peine, et à une conversation qui ne le regarde pas. Il cherchait donc en lui-même un moyen de faire sa retraite le moins gauchement possible, lorsqu'il remarqua qu'Aramis avait laissé tomber son mouchoir, et par mégarde, sans doute, avait mis le pied dessus ; le moment lui parut arrivé de réparer son inconvenance; il se baissa, et de l'air le plus gracieux qu'il put trouver, il tira le mouchoir de dessous le pied du mousquetaire, quelques efforts que celui-ci fît pour le retenir, et lui dit en le lui remettant :

—Je crois, monsieur, que voici un mouchoir que vous seriez fâché de perdre.

Le mouchoir était en effet richement brodé et portait une couronne et des armes à l'un de ses coins. Aramis rougit excessivement et arracha plutôt qu'il ne prit le mouchoir des mains du Gascon.

— Ah, ah ! s'écria un des gardes ; diras-tu encore discret, Aramis, que tu es mal avec Mme de Bois-Tracy, quand cette gracieuse dame a l'obligeance de te prêter ses mouchoirs ?

Aramis lança à d'Artagnan un de ces regards qui font comprendre à un homme qu'il vient de s'acquérir un ennemi mortel; puis, reprenant son air doucereux :

— Vous vous trompez, messieurs, dit-il, ce mouchoir n'est pas à moi, et je ne sais pourquoi monsieur a eu la fantaisie de me le remettre plutôt qu'à l'un de vous, et la preuve de ce que je dis, c'est que voici le mien dans ma poche.
A ces mots, il tira son propre mouchoir, mouchoir fort élégant aussi et de fine batiste, quoique la batiste fût chère à cette époque, mais mouchoir sans broderie, sans armes et orné d'un seul chiffre, celui de son propriétaire.
Cette fois d'Artagnan ne souffla pas lé mot : il avait reconnu sa bévue. Mais les amis d'Aramis ne se laissèrent pas convaincre par ses dénégations, et l'un d'eux s'adressant au jeune mousquetaire avec un sérieux affecté :
— Si cela était, dit-il, ainsi que tu le prétends, je serais forcé, mon cher Aramis, de te le redemander, car, comme tu le sais, Bois-Tracy est de mes intimes, et je ne veux pas qu'on fasse trophée des effets de sa femme.
— Tu demandes cela mal, répondit Aramis, et tout en reconnaissant là justesse de ta réclamation quant au fond, je refuserais à cause de la forme.
— Le fait est, hasarda timidement d'Artagnan, que je n'ai pas vu sortir le mouchoir de la poche de M. Aramis. Il avait le pied dessus, voilà tout, et j'ai pensé que, puisqu'il avait le pied dessus, le mouchoir était à lui.
— Et vous vous êtes trompé, mon cher monsieur, répondit froidement Aramis, peu sensible à la réparation ; puis, se retournant vers celui des gardes qui s'était déclaré l'ami de Bois-Tracy : —D'ailleurs, continua-t-il, je réfléchis, mon cher intime de Bois-Tracy, que je suis son ami non moins tendre que tu peux l'être toi-même, de sorte qu'à la rigueur, ce mouchoir peut aussi bien être sorti de ta poche que de la mienne.
— Non, sur mon honneur, s'écria le garde de Sa Majesté.
— Tu vas jurer sur ton honneur, et moi sur ma parole, et alors il y aura évidemment un de nous deux qui mentira. Tiens, faisons mieux, Montaran, prenons-en chacun la moitié.
— Du mouchoir ?
— Oui.
— Parfaitement, s'écrièrent les deux gardes, — le jugement du roi Salomon. Décidément, Aramis, tu es plein de sagesse.

Les jeunes gens éclatèrent de rire et, comme on le pense bien, l'affaire n'eut pas d'autre suite. Au bout d'un instant, la conversation cessa et les trois gardes et le mousquetaire, après s'être cordialement serré la main, tirèrent, les trois gardes de leur côté , et Aramis du sien.

—Voilà le moment de faire ma paix avec ce galant homme, se dit à part lui D'Artagnan, qui s'était tenu un peu à l'écart pendant toute la dernière partie de cette conversation; et, sur ce bon sentiment, se rapprochant d'Aramis qui s'éloignait sans faire autrement attention à lui :
—Monsieur, lui dit-il, vous m'excuserez, je l'espère.
—Ah! monsieur, interrompit Aramis, permettez-moi de vous faire observer que Vous n'avez point agi en cette circonstance comme un galant homme le devait faire.
— Quoi, monsieur, s'écria d'Artagnan, vous supposez..
— Je suppose, monsieur, que vous n'êtes pas un sot, et que vous savez bien, quoique arrivant de Gascogne, qu'on ne marche pas sans cause sur les mouchoirs de poche. Que diable ! Paris n'est point pavé en batiste.
— Monsieur, Vous avez tort de chercher à m'humilier, dit d'Artagnan, chez qui le naturel querelleur commençait à parler plus haut que les résolutions pacifiques. Je suis de Gascogne, c'est vrai, et, puisque vous le savez, je n'aurai pas besoin de vous dire que les Gascons sont peu endurants, de sorte que lorsqu'ils se sont excusés' une fois, fût-ce d'une sottise, ils sont convaincus qu'ils ont déjà fait moitié plus qu'ils ne devaient faire.
— Monsieur, ce que je vous en dis, répondit Aramis, n'est point pour vous chercher une querelle. Dieu merci! je ne suis pas un spadassin, et n'étant mousquetaire que par intérim, je ne me bats que lorsque j'y suis forcé et toujours avec une grande répugnance. Mais, cette fois, l'affaire est grave, car voici une dame compromise par vous.
— Par nous, c'est-à-dire ! s'écria d'Artagnan.
— Pourquoi avez-vous eu la maladresse de me rendre ce mouchoir?
— Pourquoi avez-vous eu la maladresse de le laisser tomber ?
— J'ai dit et je répète, monsieur, que ce mouchoir n'est point sorti de ma poche.
— Eh bien ! vous en avez menti deux fois, monsieur ! car je l'en ai vu sortir, moi!
— Ah ! vous le prenez sur ce ton, monsieur le Gascon ? eh bien ! je vous apprendrai à vivre !
— Et moi je vous renverrai à votre messe, monsieur l'abbé ! Dégainez, s'il vous plaît, et à l'instant même.
— Non pas, mon bel ami, non pas ici, du moins. Ne voyez-vous pas que nous sommes en face de l'hôtel d'Aiguillon, lequel est plein de créatures du cardinal? Qui me dit que ce n'est pas Son Éminence qui vous a chargé de lui procurer ma tête ? Or, j'y tiens ridiculement, à ma tête, attendu qu'elle me semble aller assez, correctement à mes épaules. Je veux donc vous tuer, soyez tranquille, mais vous tuer tout doucement, dans un endroit clos et couvert, là où vous ne puissiez vous vanter de votre mort à personne.
— Je le veux bien, mais ne vous y fiez pas, et emportez votre mouchoir, qu'il vous appartienne ou non ; peut-être aurez-vous l'occasion de vous en servir.
— Monsieur est Gascon ? demanda Aramis.
— Oui, mais monsieur ne remet pas un rendez-vous pas prudence.
—La prudence, monsieur, est une vertu assez mutile aux mousquetaires, je le sais, mais indispensable aux gens d'église, et comme je ne suis mousquetaire que provisoirement, je tiens à rester prudent. A deux heures, j'aurai l'honneur de vous attendre à l'hôtel de M. de Tréville. Là je vous indiquerai les bons endroits.

Les deux jeunes gens se saluèrent, puis Aramis s'éloigna en remontant la rue qui conduisait au Luxembourg, tandis que d'Artagnan, voyant que l'heure s'avançait, prenait le chemin des Carmes-Deschaux tout en disant à part soi : — Décidément je n'en puis pas revenir ; mais au moins, si je suis tué, je serai tué par un mousquetaire.

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Les éditions originales en feuilleton de 1844 sont téléchargeable légalement et gratuitement à partir de cette page.

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